Rencontre avec Grégory Lebon, Meilleur artisan de France dans la catégorie « plomberie-chauffage »
[Interview] La finale des Meilleurs artisans de France s’est déroulée les 3 et 4 octobre derniers à l’occasion du Mondial du bâtiment. En tant que partenaire du concours, Effy a assisté aux épreuves. Nous vous présentons le grand vainqueur de la catégorie plomberie-chauffage : Grégory Lebon. Il revient sur son parcours professionnel et nous partage sa vision du métier.
Meilleur artisan de France RMC : les finalistes plomberie -Chauffage ©Mondial du Bâtiment
Pouvez-vous vous présenter ?
Je m’appelle Grégory Lebon, j’ai 38 ans. J’habite à Saint-Médard-en-Jalles. J’ai une petite famille avec trois enfants, et je suis artisan plombier depuis 2009.
Pourquoi avoir choisi cette voie ?
J’ai toujours su que je voulais entrer dans un métier manuel. Lorsque j’en ai parlé à ma mère, elle m’a inscrite chez un plombier pour faire un stage. Au départ, j’ai un peu rouspété mais à la fin de cette semaine de stage, je suis tombé amoureux du métier. Je savais que je n’étais pas destiné à faire des études. Le fait d’intégrer une équipe, d’entrer directement dans ce monde d’ouvrier, d’utiliser mes mains pour faire quelque chose de concret et de voir, à la fin de la journée, la satisfaction des clients et de mes collègues, m’a fait dire que j’étais à ma place, que j’avais une vraie utilité dans cette vie. Je me suis senti dans mon élément.
Après ce stage, que s’est-il passé ?
Je souhaitais rejoindre les Compagnons du Devoir en Savoie mais j’avais 15 ans et ma mère s’est opposée à me laisser partir. Elle m’a donc inscrit chez les Compagnons à Bordeaux où j’ai fait deux ans d’alternance. A la fin de votre apprentissage, on vous propose de continuer sur le Tour de France. Je suis allé à Nantes, à Nîmes, à Paris, à Rennes, à Tour, à Troyes… pendant une année à chaque fois. Et j’ai décidé de finir mon Tour de France à Bordeaux en tant que formateur pendant deux ans.
J’ai formé des personnes en reconversion professionnelle qui pouvaient avoir un bac + 7 et qui étaient âgées entre 25 et 50 ans. Retransmettre le métier me passionnait. J’ai pris conscience que ces personnes-là venaient se former pour ouvrir une entreprise juste après, sans avoir une grande expérience de terrain. J’ai trouvé ça vraiment audacieux, et ça m’a motivé à ouvrir mon entreprise. J’avais 24 ans.
Qu’est-ce qui vous plait dans votre métier de plombier ?
Il y une particularité qui est propre à notre métier, c’est la partie dépannage. Quand on a un bébé ou qu’on est une personne âgée, s’il n’y a plus d’eau chaude, de chauffage en hiver ou si les sanitaires sont bouchés ou qu’il y a une fuite, c’est très compliqué. Donc on arrive en tant que sauveur. On a la possibilité de faire de très beaux projets mais lorsqu’on intervient en urgence, c’est un vrai bonheur.
Je fais aussi beaucoup de salle de bains. Je n’ai pas de showroom, de présentoir, de bureau d’études ou d’architecte d’intérieur mais on a la chance d’avoir réussi à percer. En rénovation, on peut arriver sur un projet très ancien et repartir avec un chef d’œuvre. La salle de bains est une pièce maitresse dans une maison.
Etant à la tête de votre entreprise – Lebon plombier – allez-vous aussi souvent qu’avant sur le terrain ?
J’y vais moins puisqu’en tant que chef d’entreprise, j’ai tout ce qui est administratif à faire. J’ai la partie devis, facturation… Mais dès que je peux, j’y vais, et si je pouvais rester sur le terrain, je le ferais. Je pense que je serais même prêt à fermer l’entreprise pour redevenir salarié parce que je suis heureux quand je suis sur le chantier.
Pourquoi avoir participé au concours du Meilleur artisan de France ?
Pour plusieurs raisons. Comme tous ceux qui étaient présents, c’est tout d’abord, une remise en question. On se dit que tout va bien sur nos chantiers, qu’on est connu et reconnu dans notre entourage, mais au bout d’un moment, on a envie de savoir où est-ce qu’on en est par rapport aux autres. Autre raison, on n’a pas beaucoup de concours professionnel en plomberie, contrairement aux métiers de bouche. Si je ne participais pas, ça aurait été dommage. Je n’arrête pas d’en parler autour de moi aux autres artisans pour qu’ils tentent l’aventure. L’important n’est pas de gagner mais de représenter notre métier.
Comment s’est déroulée l’épreuve ?
J’ai la chance de connaitre des gens qui avaient participé à ce concours. C’est aussi eux qui m’ont poussé à participer. Ils m’avaient un peu aiguillé, je m’étais entrainé sur plusieurs phases. Il s’avère qu’elles ne sont pas tombées lors du concours. Le métier est très large. Mais ceux qui sont arrivés sans aucune connaissance, malheureusement pour eux, c’était plutôt dur.
Vous étiez ému à la fin du concours. Vous ne vous attendiez pas à remporter le titre ?
Ça a été une grosse surprise. Je pensais être entre 2e et 4e. A mon sens, un participant était au-dessus. Et je vais le nommer car il fait beaucoup pour notre métier, c’est Enfile ton bleu. Ils annoncent mon nom et toute la pression retombe. Ma belle-famille était là. J’avais plein de copains dans le public. J’ai écrit une lettre de remerciements sur les réseaux sociaux aux partenaires qui m’ont suivi, à la personne qui a passé la journée avec moi qui est un jeune qui va représenter la France aux Worldskills et qui professionnellement est monstrueux.
Que diriez-vous aux jeunes pour qu’ils rejoignent le secteur ?
Le problème, ce ne sont pas les jeunes. Ce sont les familles. On peut s’épanouir autrement que par les études. Aujourd’hui, on voit des jeunes de onze – douze ans faire du sport-étude. Ils peuvent allier passion avec un métier. J’aimerais qu’il y ait la même chose dans les métiers du bâtiment.
J’aimerais embaucher plus souvent, tendre la main à tous ces jeunes qui veulent faire un stage chez nous. Mais même s’il y a des aides gouvernementales, ce n’est pas toujours évident.
Ce sont aussi les patrons et les entreprises qu’il faudrait sensibiliser. Par exemple, j’ai appelé le collège de mon fils pour leur proposer de venir raconter mon aventure. Peut-être qu’il y aura un 3e ou un 4e qui va entendre mon message et qui va se dire, c’est ce que je veux faire. C’est peut-être aux patrons d’aller parler aux jeunes.
Quels sont vos projets à venir ?
Je ne souhaite pas me développer. On a un bon équilibre. On est heureux et on se satisfait du bonheur. Je pense que je fais partie des rares entreprises en France qui considère qu’on doit appartenir à une commune. J’ai un rayon d’à peu près 5 km. Ça fait trois ans que j’ai instauré ça et c’est un vrai confort de vie. Ça me permet de pouvoir profiter un peu plus de mes enfants, ça m’évite de m’arracher les cheveux dans les bouchons et ça me permet d’être réactif, si un client m’appelle à la dernière minute.
Si tous les plombiers raisonnaient comme moi, il y aurait certainement moins de circulation sur les rocades et on n’aurait pas besoin de faire 50 km pour aller changer un robinet. C’est du bon sens, tout le monde serait gagnant, que ce soit le patron ou la planète.
Il y a aussi la santé, ça tire assez fort sur le physique. Aller dans un vide sanitaire, monter dans les combles, être à genoux toute la journée sous les éviers, porter les radiateurs en fonte, les chaudières... Il y a des jours où on se rend compte qu’on vieillit tout doucement.