ISOVER souhaite décarboner la chaine de valeur complète de ses produits
Fin 2021, ISOVER présentait sa feuille de route pour atteindre la neutralité carbone d'ici 2050. Nous avons interrogé Lucile Charbonnier, Directrice RSE et Développement Durable, pour en savoir plus sur les actions déployées par la filiale du groupe Saint-Gobain. Elle revient notamment sur ISOVER Recycling, première filière de valorisation des déchets de laine de verre sur les chantiers de déconstruction et de rénovation.
ISOVER Recycling a été lancé en 2018. Pouvez-vous revenir sur la genèse du projet ?
Lucile Charbonnier : Cela fait déjà vingt ans qu’ISOVER revalorise les déchets fibreux (rebuts de laine de verre) sur son site d’Orange (84) via un procédé industriel unique baptisé Oxymelt. Ce four avait une surcapacité. Nous l’avons donc ouvert à la récupération des déchets de laine de verre issus de la construction (chutes de coupes) et de la déconstruction.
Nous avions déjà l’expérience de la création de filière avec Placo® Recycling pour le recyclage du gypse. Après avoir mené des tests, nous nous sommes rendu compte que les déchets de laine de verre avaient une très bonne valeur et que nous pouvions facilement en refaire un bon calcin, réintégré ensuite dans notre production. Nous avons donc une boucle fermée. Les laines de verre produisent des laines de verre.
Comment se déroule la collecte sur le terrain ?
L.C. : Nous avons deux chargés d’affaires qui ont pour mission d’accompagner les chantiers qui le souhaitent pour apprendre à ne pas mélanger les déchets et à mettre de côté la laine de verre. Cette laine de verre est ensuite récupérée par un réseau de collecteurs agréés, souvent membres du SEDDRe, qui finissent d’enlever les impuretés, compactent le matériau et le ramène sur le site d’Orange. Les premiers retours sont extrêmement positifs.
Bien sûr, c’est une nouvelle jeune filière. Il faut la créer, monter en compétences sur les sujets, apprendre à reconnaître la laine de verre vs la laine de roche, par exemple. Il faut également s’équiper. Mais c’est un nouvel exutoire très intéressant qui évite l’enfouissement.
Faites-vous de la sensibilisation auprès des acteurs du bâtiment ?
L.C. : Enormément ! Auprès des artisans, des bureaux d’études, des architectes, des grands constructeurs... L’entrée en vigueur de la REP Bâtiment devrait largement nous aider. La reprise sans frais des déchets séparés sur chantier va forcément amener des déchets de meilleure qualité, et en plus grande quantité. Pour ISOVER Recycling, c’est une aubaine. La mise en place d’éco-organismes va aider à la structuration et à la création des filières.
Quels sont vos objectifs de recyclage ?
L.C. : En France, on estime que tous les ans, il y a entre 75 000 et 120 000 tonnes de laine de verre à récupérer sur les chantiers. Nous en récupérons quelques centaines de tonnes mais ce n’est pas représentatif pour le moment. La filière a commencé il y a très peu de temps. Il ne faut pas oublier qu’ISOVER Recycling est une première mondiale. Il n’y a qu’à Orange que l’on sait recycler de la laine de verre du BTP.
Notre objectif de récupération s’élève à 20 000 tonnes à horizon 2028. Pour ce faire, nous avons un investissement important en cours, dans notre usine de Chemillé, près d’Angers, avec l’installation d’un 2e four de refusion. Ce sera un outil de nouvelle génération.
ISOVER a annoncé vouloir mettre fin au prélèvement de sable pour sa production. Pouvez-vous nous en dire plus ?
L.C. : Nos usines s’alimentent à la fois des déchets de laine de verre, mais aussi de calcin issu d’autres boucles : le calcin verre plat (vitrage, pare-brise de voiture…) et le calcin verre creux (bouteilles). Quand on met cela bout à bout, nous avons des usines qui affichent déjà entre 40 et 83% de contenu recyclé.
L’usine de Chalon-sur-Saône n’utilise déjà plus de sable. Elle est en complet recyclage. Quant à celle d’Orange, elle est lauréate d’un des appels à projets de l’Ademe pour son idée de modification de la tour de composition verrière qui permettra d’augmenter d’au moins 20% le taux de matières recyclées passant de 40% à 60% dans un premier temps, puis de 70% à 83% qui est l’optimum.
L’introduction de calcin dans le four engendrera des économies d’énergie et de CO2 grâce à une baisse de 200 degrés de la température du four.
♻️ L’initiative s’inscrit dans le cadre de la feuille de route environnementale pour l’usine d’Orange qui vise – 33% d’émissions de CO2 à l’horizon 2030. Le projet devrait permettre de réduire les émissions de CO2 de 4 600 tonnes par an, calculé sur la base du cycle de vie complet du produit.
Quelles sont les autres actions mises en place par ISOVER pour réduire son empreinte carbone ?
L.C. : Nous avons encore des efforts à faire puisqu’une partie de notre production n’est pas à l’électrique mais fonctionne au gaz. Nos centres de R&D travaillent à faire évoluer les process pour avoir des systèmes de fibrage et des étuves fonctionnant à l’électricité ou aux énergies alternatives comme l’hydrogène.
Notre souhait est de décarboner la chaine de valeur complète de nos produits.
Nous travaillons sous l’angle de l’analyse du cycle de vie (ACV), c’est le ciment de notre fonctionnement. Nous avons cartographié l’impact environnemental de toutes nos productions sur les 28 critères de l’ACV. Nous savons exactement les « pain points », c’est-à-dire, les endroits où notre production nécessite plus particulièrement des actions en faveur de la réduction d’émissions. L’idée est d’avoir des matières premières qui soient toujours plus décarbonées.
Du point de vue de la logistique, nous faisons en sorte que nos matériaux ne voyagent pas énormément et que nos camions partent toujours pleins. C’est la raison pour laquelle nos usines sont disposées aux trois endroits stratégiques de France, pour livrer dans un rayon de 250 kilomètres. Il y a aussi énormément de travaux réalisés sur tout ce qui est livraison multimodale.
Photos : ©ISOVER