[Batimat 2024] Quelle place pour le confort d'été dans la RE2020 ?

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Mercredi 2 octobre, une table ronde du salon Batimat 2024 a réuni plusieurs experts du secteur de la construction et de l’efficacité énergétique pour aborder un sujet crucial : le confort d’été dans le contexte du réchauffement climatique. Effy vous fait le compte rendu des échanges.

Confort d’été : comment faire descendre la température des bâtiments sans faire grimper les émissions de carbone ? ©VG

Confort d’été : comment faire descendre la température des bâtiments sans faire grimper les émissions de carbone ? ©VG

Les limites de la RE2020 face au confort d’été

Nathalie Tchang, présidente de Tribu Énergie, a soulevé une critique importante : selon elle, la RE2020 présente un indicateur pertinent pour mesurer le confort d’été – le Degré Heure (DH), un indicateur qui mesure la durée cumulée pendant laquelle les occupants d'un bâtiment sont exposés à une température supérieure à un seuil de confort prédéfini – mais s’avère trop exigeante dans certaines régions. En effet, la réglementation applique les mêmes exigences sur tout le territoire sans prendre en compte les spécificités climatiques locales. 


Guillaume Meunier, consultant bas carbone au Mouvement Unisson(s), a quant à lui nuancé le propos. Il ainsi reconnu que l’on pouvait discuter des seuils de la RE2020, de sa modulation ou du fait qu’elle ne tenait pas compte de l’effet des îlots de chaleur urbains. Mais il a surtout souligné que la réglementation et le calcul fonctionnent. Et si cette réglementation propose un nivellement par le bas, c’est aux acteurs du secteur d’aller chercher plus loin.


Vladimir Luzhbin-Asseev, responsable technique chez Actibaie, a quant à lui rebondi sur le caractère perfectible de la RE2020 tout en rappelant que cet indicateur prenait bien en compte les solutions passives comme les brasseurs d’air ou la géothermie. Elle reste donc un bon premier pas.

Anticiper le climat de demain

Pour Alexandra Lebert, directrice des domaines d'action stratégique, changement climatique et économie circulaire au CSTB, la RE2020 doit être challengée et nécessite des ajustements. Elle a rappelé que la réglementation actuelle tirait les leçons de la canicule de 2003, mais que des efforts supplémentaires seraient nécessaires pour intégrer les conditions climatiques futures

 

Guillaume Meunier en a donné un exemple concret avec le village des athlètes des Jeux Olympiques 2024, où des simulations climatiques ont été réalisées pour 2050 en collaboration avec Météo France. 

 

Résultat : peu de bâtiments répondent aux objectifs fixés pour faire face à des canicules de plus en plus fréquentes. La RE2020 doit ainsi permettre de réfléchir sur le temps long, en anticipant à 10, 20 ou 40 ans. Elle est un début de réflexion.

Des solutions techniques et comportementales

Face à l’ampleur du défi, plusieurs pistes ont été explorées durant cette table ronde. Vladimir Luzhbin-Asseev, a dès lors mis en avant le fait que le DPE prenait aujourd’hui en compte le confort d’été. Il y a en outre rappelé que de plus en plus d’études portaient  sur le sujet mais sans pour autant de vraies politique de rénovation adaptées

 

Ainsi, si le confort d’été est évoqué dans des dispositifs comme MaPrimeRénov’, cela porte uniquement sur les protections solaires ou les brasseurs d’air, alors que bien d’autres options existent.


En parallèle des solutions techniques, Nathalie Tchang a aussi insisté sur l’importance des comportements des occupants pour maintenir un confort d’été optimal. Une étude a ainsi montré l’existence simultanée de foyers respectant tous les bons gestes face aux vagues de chaleur et de foyers ouvrant la fenêtre dès le premier coup de chaud pour bénéficier d’un courant d’air, faisant dès lors entrer la chaleur dans le logement. 

 

Ce constat montre bien qu'il faut donc accompagner et communiquer auprès des utilisateur.

Un enjeu de santé publique

Le changement climatique transforme le bâtiment en un enjeu de santé publique. Alexandra Lebert a dès lors rappelé que la majorité des personnes passaient aujourd’hui l’essentiel de leur temps à l’intérieur, rendant la qualité thermique des bâtiments cruciale. En cas de canicule, ce sont donc ces espaces clos qui doivent protéger les occupants, notamment les populations les plus vulnérables.


Il y a alors un vrai travail à mener auprès des constructeurs, a souligné Nathalie Tchang. Il faut insister sur les logements traversants, ainsi que sur le choix des protections solaires. Sauf qu’aujourd’hui, pour des raisons commerciales, certains promoteurs s’opposent à toutes autres protections que le volet roulant alors qu’il ne laisse pas passer l’air la nuit.

Le confort d’été, un nouveau standard à atteindre

Alors que la question du confort d’été prend de plus en plus d’importance, Guillaume Meunier a conclu en rappelant l’urgence de trouver un équilibre entre confort thermique et réduction des émissions de carbone

 

En effet, certaines solutions, comme la climatisation, résolvent le problème de la chaleur mais au prix d’une hausse significative des émissions. Pour éviter cette contradiction, il propose des approches ciblées, comme la climatisation des chambres uniquement, afin de préserver la qualité de sommeil sans impacter excessivement l’empreinte carbone du bâtiment.

 

Pour Alexandra Lebert le recours aux solutions passives ne peut toutefois fonctionner qu’un temps. Nathalie Tchang était également d’accord : au vu des prévisions 2050, les logements ne pourront jamais être confortables dans la moitié sud de la France, même avec un très bon comportement. Il ne faut néanmoins pas oublier d’être résilient. Avec la climatisation partout, nos corps oublieront de prendre l’habitude d’avoir chaud. Il faut ainsi également compter sur les habitudes d’usage et de culture.

Valentin Germain

Rédacteur - Responsable de contenus pour Effy

Décrypter les actualités réglementaires, promouvoir les bonnes pratiques et présenter les dernières innovations en matière de rénovation énergétique… Voici ma mission chez Effy !