Pompe à chaleur, solaire, mobilité électrique, le trio gagnant de la transition énergétique ?
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INTERVIEW. Dans une récente étude, Delta-EE, cabinet spécialisé dans la transition énergétique, revient sur le marché du chauffage en France. Quelles sont les perspectives d’ici à 2030 ? Arthur Jouannic, Directeur France de l’entité, nous livre son analyse. Il nous parle également d’autoconsommation et d’optimisation des systèmes.
Coupler les systèmes pour plus d'efficacité
2021 a été une année « historique » pour le marché du chauffage en France, souligne le cabinet Delta-EE dans une étude dévoilée fin mars 2022.
Voici les chiffres à retenir :
- +53% pour les pompes à chaleur air-eau
- +37% pour les chauffe-eaux thermodynamique (CET)
- +21% pour les PAC hybrides gaz
- +26% d'installation de chaudière gaz à condensation
Et d’ici à 2030 ?
Sur la période 2022-2030, les pompes à chaleur devraient « s’emparer d’une part croissante du marché de la rénovation grâce aux aides financières telles que MaPrimeRénov’ ».
Selon les prévisions de Delta-EE, les ventes de PAC Air-Eau devraient plus que doubler et « dépasser les chaudières gaz à condensation en termes de volume à partir de 2026 ». Du côté des CET, les ventes devraient également doubler d’ici à 2030. Quant au marché des PAC hybrides, il devrait s’accélérer.
La chaudière gaz à condensation devrait être « la grande perdante » avec une possible baisse des ventes en 2022 (- 18%). A partir de 2023, elle ne devrait plus bénéficier des aides de l’Etat dans le cadre de travaux de rénovation énergétique. Delta-EE estime cependant que « les investissements et les objectifs du gouvernement pour décarboner le réseau de gaz via le biogaz » devraient impacter positivement la filière.
Exploiter le plein potentiel de la pompe à chaleur
Si les aides de l’Etat vont dans la direction de la pompe à chaleur, Arthur Jouannic, Directeur France de Delta-EE, rappelle que l’installation d’une PAC s’inscrit dans un parcours. En effet, pour exploiter pleinement le potentiel d’une pompe à chaleur, il faut avoir isoler le logement. Or, une isolation peut vite coûter cher (plusieurs dizaines de milliers d’euros pour une rénovation globale) et les subventions pour ces travaux s’inscrivent à la baisse, de quoi décourager les ménages.
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Comment éradiquer les passoires thermiques ? Comment faire pour que les plus démunis puissent accéder aux aides ? Comment rénover en lieu occupé ? Sont autant de questions que le prochain Gouvernement devra se poser pour réussir à massifier les travaux et donc la réhabilitation du parc immobilier français, estime Arthur Jouannic.
Les industriels sont-ils prêts à répondre à une explosion des ventes ?
Du côté des industriels, malgré la crise des matériaux, il semblerait que la filière soit prête et mobilisée pour répondre à une hausse des demandes en équipements. Et si le secteur rencontre des difficultés pour recruter de la main d’œuvre qualifiée, Arthur Jouannic souligne que la France s’est bien préparée au marché de la PAC. Se référant aux 20 000 emplois que devrait créer la filière (source Afpac), il avance : « De nombreux artisans vont s’engager ».
Libérer le marché de l’autoconsommation
Si la pompe à chaleur va participer à l’effort de décarbonation de l’énergie, Arthur Jouannic regrette le retard de la France en termes d’innovation sur l’autoconsommation. « La France est très mal préparée à la production électrique solaire avec un marché qui est très faible par rapport à des pays comme l’Allemagne, la Belgique et le Royaume-Uni », pointe-t-il notamment.
Il explique : « L’électricité en France est beaucoup moins chère que dans d’autres pays. Alors que les Allemands ont décidé de se séparer du nucléaire et de promouvoir énormément les renouvelables, la stratégie française a été plus modérée. Les aides sur les panneaux solaires n’ont pas été si importantes. Mais le fait que le prix de l’énergie augmente et que les centrales nucléaires s’arrêtent pour cause de maintenance, ça peut être un levier pour développer l’industrie ».
Coupler les pompes à chaleur avec des panneaux solaires et s’emparer du marché des bornes de recharge de véhicules électriques « qui est en train d’émerger » est l’une des clés « pour libérer le marché et optimiser au maximum l’autoconsommation », estime Arthur Jouannic. Cela permettrait aussi de « rendre les ménages le plus indépendant possible des variations des coûts de l’énergie qui vont aller en s’accélérant ».
Donner plus de visibilité aux consommateurs et à l’industrie
Il est également nécessaire de regarder ce qui est fait dans les pays européens. La PAC Hybride fonctionne mieux en Allemagne et en Italie qu’en France « parce que c’est mieux encadré, mieux expliqué au consommateur ». Toujours en Allemagne, des bornes de recharge sont offertes aux logements qui souscrivent à un tarif d’électricité renouvelable, poursuit Arthur Jouannic.
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Accompagner la transition énergétique va donc aussi passer par la vulgarisation de l’autoconsommation individuelle et collective auprès du consommateur final pour lui faire comprendre qu’il y a des solutions qui peuvent l’aider à être plus indépendant des crises énergétiques.
« Il faut aussi forcer les industriels à travailler ensemble pour que leurs produits se parlent et que l’optimisation énergétique puisse de faire. C’est vraiment une stratégie globale qu’il faut mettre en place », insiste Arthur Jouannic.
Bien sûr, pour embarquer la filière, le Gouvernement doit donner de la visibilité sur le long terme aux industriels et aux professionnels du terrain pour qu’ils puissent investir en innovation et en formation.