Pompes à chaleur : 10% de croissance annuelle d’ici 2027 ?
Sommaire
Après une année 2023 marquée par une baisse inédite des ventes, la filière pompes à chaleur cherche des solutions pour poursuivre son développement, avec en ligne de mire l’objectif d’un million d’unités produites en France d’ici 2027. Effy fait le point.
Le gouvernement vient d'annoncer, à l’occasion d’une visite dans une usine de production de pompes à chaleur (PAC), une série de mesures pour relancer la filière et atteindre l’objectif d’en produire 1 million en 2027.
Les mesures à retenir :
Mise en place d’une éco-conditionnalité des aides pompes à chaleur à partir de 2025 : les aides telles que MaPrimeRénov’ seront conditionnées aux PAC produites en France ou en Europe, et présentant les meilleures performances environnementales
Simplification des normes pour l’installation des pompes à chaleur dès 2024
Améliorer la confiance des citoyens via une hausse des contrôles au titre des CEE de +20% en 2025 (sur site et par contact)
Création d’un centre d’expertise de la PAC
Un secteur d'activité en baisse pour la première fois
Porteur depuis des années, le marché des pompes à chaleur (PAC) n’a en effet pas connu une année 2023 très positive. Les ventes ont baissé pour la première fois en 15 ans en Europe, de 5% par rapport à 2022, selon les données de l’Association européenne des pompes à chaleur (EHPA).
En France, en 2024, le segment des pompes à chaleur air/eau connaît une chute importante de ses ventes : -40% depuis septembre 2023 d’après les données d’Uniclima.
Pour en savoir plus : Bilan Uniclima 2023 : quels sont les équipements les plus plébiscités ?
Résultat de ces mauvais résultats, plusieurs fabricants basés en Europe ont mis leurs employés au chômage technique ou partiel : 500 personnes ont ainsi été touchées chez le français Saunier Duval, et autant pour le groupe Atlantic. Le fabricant japonais Daikin a même été jusqu’à supprimer 500 emplois dans ses implantations belges. Au total, 3000 postes sont concernés.
Un contexte réglementaire flou bloquant les investissements
Plusieurs facteurs peuvent expliquer ce ralentissement du marché. D’abord, le prix de l’électricité, peu compétitif face à un gaz très bon marché actuellement, qui rend les pompes à chaleur moins attractives pour les particuliers.
La réforme de MaPrimeRénov’, annoncée courant 2023, aurait aussi provoqué un effet d’attentisme chez les particuliers. C’est en tout cas la théorie du Groupement des professionnels des Certificats d'Economies d’Energie, évoquée par sa présidente Florence Lievyn lors de la Journée de la Pompe à chaleur qui s’est tenue en mars dernier.
La nouvelle version du dispositif, destinée à encourager les rénovations globales, nécessitait notamment un diagnostic de performance énergétique pour bénéficier des aides. Des étapes supplémentaires qui auraient découragé les propriétaires.
Alors que des assouplissements du dispositif MaPrimeRénov’ ont été annoncés par le gouvernement en mars, Florence Lievyn estime que « cela devrait permettre de redonner une impulsion ». Les particuliers ne seront ainsi plus obligés de fournir un DPE pour les mono-gestes, qui sont à nouveau plus avantagés par le dispositif.
Mais la validité de ces modalités ne vaut pour l’instant que jusqu’à fin 2024. Ce manque de visibilité ne permet pas de débloquer le marché sur la durée et d’engager des investissements.
Les PAC incontournables pour décarboner la chaleur
Mais malgré cette année 2023 difficile, le secteur de la pompe à chaleur a beaucoup évolué. Il y a une quinzaine d’années, il représentait encore un marché de niche, avec quelques dizaines de milliers de pompes à chaleur vendues chaque année.
Depuis, la réglementation thermique de 2012 et les différents dispositifs d’aides comme les CEE et MaPrimeRénov’ ont permis de mettre ces équipements sur le devant de la scène, en tant que technologie cruciale pour décarboner le bâtiment.
Dans les ambitions actuelles du gouvernement, la pompe à chaleur constitue même le principal levier pour aller vers une chaleur renouvelable. Selon la Direction Générale de l’Énergie et du Climat, c’est même le premier geste aidé : entre les CEE et MaPrimeRénov’, les solutions PAC ont atteint un milliard d’euros d’aides allouées en 2023.
« La pompe à chaleur est indispensable à la décarbonation, car le chauffage, c’est encore 50% de fossile dans le secteur du bâtiment », a confirmé David Marchal, directeur exécutif de l’expertise et des programmes à l’Ademe, lors de la Journée de la Pompe à chaleur. « Pour atteindre la neutralité carbone en 2050, il faudra que 80% des bâtiments soient en étiquette A ou B, alors que ce chiffre atteint aujourd'hui à peine 6% du parc en France. »
En effet, les pompes à chaleur aérothermiques (PAC air/eau, PAC air/air et chauffe-eau thermodynamiques), constituaient 23% de la production de chaleur renouvelable en 2022 selon le dernier panorama de la chaleur renouvelable de l'Ademe, l'AFPG (géothermie), le Cibe (bois-énergie), la Fedene, le SER et Uniclima.
Cette production représente ainsi 6,2% de la consommation finale de chaleur, et est principalement portée par les logements individuels, à plus de 70%.
Un million de PAC produites en France d’ici 2027
L’ambition du gouvernement est même de produire un million d’unités en France d’ici 2027 ! Pour répondre à cet objectif ainsi qu’aux enjeux de décarbonation, la filière PAC a besoin de se développer. À titre de comparaison, en 2022, 350 000 pompes à chaleur ont été produites en France.
Afin d’encourager cette industrialisation, le crédit d’impôt au titre des investissements dans l’industrie verte est entré en vigueur à la mi-mars. Il a pour but de faciliter l’implantation de ces industries avec la possibilité de modifier certains documents d’urbanisme. Surtout, il augmente le plafond d’investissement qu’il est possible de demander en crédit d’impôt et qui peut désormais aller jusqu’à 25% des dépenses d’investissement, avec un plafond de 200 millions d’euros.
10% de croissance par an pour le marché des PAC ?
Selon les projections d’Uniclima, atteindre ce million de PAC produites nécessitera près de 5 milliards d’euros d’investissements en France d’ici 2030, dont 3,8 milliards dans la création ou la reconversion de sites industriels.
Le recrutement constituera également un enjeu fort pour être au rendez-vous : il faudrait recruter 50 000 salariés d’ici 2030, dont 20 000 installateurs, d’après l’Afpac. Un challenge difficile, alors que trois employeurs sur quatre ont aujourd’hui du mal à recruter.
Mais d’après une étude récente de Xerfi sur le marché des pompes à chaleur à l’horizon 2027, les perspectives restent très positives. En effet, le secteur profite de la recomposition du marché du chauffage en faveur d’appareils moins énergivores et polluants.
Xerfi estime que les ventes de PAC devraient augmenter de 10% par an en moyenne d’ici 2027, et ainsi dépasser 2 millions d’unités. La demande sera notamment soutenue par les aides à l’installation dans le cadre de la rénovation énergétique, mais aussi par le secteur du bâtiment neuf, avec l’amélioration progressive de sa conjoncture.
L’industrie française concurrencée par l’Asie
Actuellement, le tissu industriel français est principalement composé de petites entreprises, qui font souvent de l’assemblage. Les industriels européens souhaitant se repositionner sur les pompes à chaleur font dès lors face à la concurrence des fabricants asiatiques, capables de produire en grande quantité, à des prix compétitifs.
La tendance est donc au rapprochement entre acteurs, notamment pour créer des usines géantes.
Le rapport de Xerfi confirme la nécessité de renforcer une infrastructure industrielle actuellement insuffisante : « La massification de la production est impérative pour faire baisser les coûts et rendre les pompes à chaleur économiquement viables sans dépendance aux aides publiques. »
« Si tenter de concurrencer les fabricants asiatiques sur le terrain des compresseurs et des cartes électroniques nous semble hors de portée, mettre les bouchées doubles sur les capacités de production des autres composants des PAC (pompes, échangeurs, ventilateurs…) est une piste à explorer rapidement », souligne l’étude.
Les enjeux environnementaux sont un autre aspect clé de cette industrialisation. « Face à la concurrence asiatique à bas coûts, des efforts continus de recherche pour développer des solutions sûres et écologiquement responsables sont aussi indispensables », confirme l’étude. « La transition vers des fluides frigorigènes plus respectueux de l’environnement est ainsi en cours dans le secteur », avec des alternatives comme le propane.
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Le choix des solutions hybrides pour dynamiser la filière PAC
Selon certains acteurs de la filière, pour dynamiser la filière PAC, la réponse viendra également de l’hybridation.
« Les clients ne comprennent pas que lorsqu'ils ont une chaudière gaz ou fioul récente qui fonctionne bien, ils sont contraints de la faire enlever pour installer une PAC et toucher les subventions afférentes », a expliqué Jean- Claude Rancurel, président de la filière métiers de la couverture et plomberie-chauffage à la Capeb, lors de la Journée de la Pompe à chaleur. « La meilleure solution serait d'hybrider les systèmes quitte à avoir des aides diminuées, d'autant que les constructeurs proposent désormais des solutions de régulation hybride intégrée performantes. »
Cela permettrait également d’éviter des installations surdimensionnées, et d’enlever par la suite la chaudière gaz ou fioul lorsque des travaux d’isolation thermique ont été réalisés.
Malgré un bilan en demi-teinte pour 2023, les acteurs sont donc mobilisés pour répondre aux enjeux de décarbonation et de production. D’autant que les perspectives d’avenir se révèlent plutôt positives !