Rapport de la mission Sichel – Des propositions ambitieuses seulement si la mise en œuvre est opérante.
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Le rapport de la Mission confiée à Olivier Sichel sur le financement et l’accompagnement des rénovations énergétiques performantes, dont Effy était membre, a été rendu le 17 mars auprès d’Emmanuelle Wargon et Bruno Le Maire.
Après trois mois de travaux et plusieurs réunions avec les membres de la mission, 16 propositions sont avancées pour améliorer l’accompagnement et le financement du reste-à-charge des rénovations profondes.
Si la consécration d’un tiers de confiance accompagnateur est à saluer, certaines modalités pratiques interrogent sur la mise en œuvre du dispositif proposé. Les propositions relatives au financement du reste-à-charge des travaux de rénovations énergétiques constituent des avancées mais elles auraient mérité d’être complétées par une amélioration des outils existants.
L’accompagnateur Rénov : tiers de confiance obligatoire pour sanctuariser l’accompagnement des rénovations performantes
La première proposition phare du rapport est la création d’acteurs globaux d’accompagnement, intitulés « mon accompagnateur Rénov ». Ce tiers de confiance sécuriserait le parcours de travaux et accompagnerait le ménage de bout en bout vers une rénovation performante (de l’audit au suivi des travaux en passant par la préparation du plan de financement et de la mise en relation avec les banques). L’« accompagnateur Rénov » pourrait également, le cas échéant, assurer la maîtrise d’œuvre des travaux voire leur réalisation.
Le tiers de confiance qui pourra être issu du service public ou être un opérateur privé serait agréé après sélection par l’Etat ou une de ses agences, sur la base d’un cahier des charges national. Cet accompagnement serait financé par l’Etat en favorisant les ménages très modestes et modestes.
Cet accompagnement par un tiers de confiance pourrait prendre trois formes parmi celles du contractant général, l’opérateur ensemblier avec un portage intermédié du financement et des travaux, et un accompagnement avec maitrise d’œuvre. Par ailleurs tout « accompagnateur Rénov » agréé sera tenu de proposer au minimum un scénario de travaux de niveau BBC et un scénario dégradé.
Des modalités pratiques qui interrogent sur la réussite opérationnelle de ce dispositif d’accompagnement
Si cet accompagnement obligatoire pour les rénovations performantes est essentiel en raison de la complexité des différents travaux à réaliser et de leur nécessaire coordination ainsi que du financement plus conséquent, le seuil d’obligation au-delà de 5000 euros de travaux demeure problématique. En effet, systématiser un accompagnement lourd pour des gestes simples comme un changement de chaudière entrainerait une perte d’efficacité des rigidités dans le passage à l’acte et n’est pas justifié. En revanche fixer ce seuil d’obligation en fonction d’un montant d’aides publiques mobilisées parait beaucoup plus cohérent avec la politique d’aide à la rénovation énergétique.
Par ailleurs, le modèle d’accompagnement proposé par le rapport est concomitant du déploiement d’une plateforme digitale « Mon service Rénov’ » permettant de prendre rendez-vous avec l’accompagnateur, d’instruire un dossier unique de rénovation avec les différentes démarches administratives nécessaires, de suivre les travaux et de réaliser. Outil numérique d’intérêt certain entre professionnels de la rénovation, la création d’une énième interface pose la question de la lisibilité et de la complémentarité avec les plateformes déjà mises en place par les pouvoirs publics comme FAIRE ou celle dédiée à MaPrimeRénov. Par ailleurs, la plateforme risque de rencontrer des problèmes d’interopérabilité avec celles déployées par les entreprises qui accompagnent d’ores et déjà les particuliers dans leurs parcours de rénovation.
Un nouveau dispositif de financement du reste-à-charge intéressant mais qui mériterait d’être accompagné par une amélioration de ceux existants
Autre proposition phare du rapport, la mise en œuvre d’un « nouveau » Prêt Avance Mutation (PAM+). Créé par la Loi de Transition Ecologique pour la Croissance Verte (LTEPCV), le PAM s’appuie sur une hypothèque relative au bien concerné par les travaux et prévoit un remboursement de la somme empruntée, augmentée des intérêts capitalisés, lors de la mutation du bien ou du décès de l’emprunteur. La version revisitée du PAM serait ciblée sur des travaux de rénovation globale avec un accompagnement par une garantie d’Etat au moment de la mutation. Autres options envisagées, la conversion de ce dispositif bancaire en prêt à taux zéro, un portage par le pôle public de la Caisse des Dépôts et Consignation (CDC) ou encore une dérogation à la réglementation bancaire en matière de calcul de solvabilité des ménages.
Cette proposition est intéressante car elle permet notamment de répondre à la problématique des seniors propriétaires de passoires thermiques. Néanmoins, d’autres dispositifs bancaires dédiés à la rénovation énergétique existent comme l’éco-prêt à taux zéro (Eco-ptz) qui est toujours peu distribué, notamment auprès des ménages modestes. Le rapport propose d’augmenter le montant de ce prêt pour permettre de financer des restes-à-charge correspondant à des travaux plus ambitieux. Le plafond passerait ainsi de 30 000 euros à 50 000 euros. Cependant cette augmentation du plafond ne sera positive et efficiente que si les prêts sont effectivement distribués par les banques et plus particulièrement aux publics qui en ont le plus besoin. C’est en ce sens qu’Effy propose notamment d’augmenter la rémunération des acteurs bancaires en contrepartie d’obligation quantitative dans la distribution de ce prêt et de simplifier l’accès au Fond de Garantie pour la Rénovation Energétique pour qu’il puisse garantir tous les prêts à la rénovation énergétique des ménages modestes
Ce rapport de 134 pages témoigne de l’important travail réalisé par la mission confiée à Olivier Sichel afin d’élaborer des propositions ambitieuses pour répondre au défi climatique et social que constitue la rénovation énergétique des logements. Cependant, ces problématiques pratiques seront à prendre en compte lors de l’examen en séance publique du projet de loi Convention Citoyenne pour le Climat qui débutera le 29 mars et dans les textes réglementaires futurs.