Rénovation énergétique : L’interdiction du démarchage téléphonique en suspens
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Aujourd’hui le meilleur ami du démarcheur, c’est votre numéro de téléphone ! De nombreuses plaintes de consommateurs, largement relayés dans les médias, ont fait état ces derniers mois de pratiques de démarchage téléphonique intempestif, parfois agressif, visant à vendre des équipements et des travaux de rénovation énergétique. En janvier, Emmanuelle Wargon et Agnès Pannier-Runacher appelaient d’ailleurs dans le cadre d’un vaste plan de lutte contre la fraude à l’interdiction du démarchage téléphonique concernant la rénovation énergétique. A ce jour, où en sommes-nous ?
L’Assemblée nationale dit « Oui »
Le 22 janvier dernier dans le cadre de la proposition de loi visant à lutter contre le démarchage téléphonique abusif, les députés de la commission des affaires économiques ont adopté un amendement visant à interdire « toute prospection commerciale de consommateurs par voie téléphonique qui vise la vente par des professionnels d’équipements et de travaux destinés à des logements et permettant la réalisation d’économies d’énergie ».
Cette nouvelle mesure avait d’ailleurs été confirmée quelques jours plus tard en séance publique, intégrant définitivement le texte. Il s’agissait là d’une étape salutaire pour redonner confiance dans le secteur de la rénovation énergétique. En effet, les pratiques commerciales déloyales nuisent à la crédibilité des politiques publiques mises en place, l’usurpation de l’identité de l’Etat ou les mensonges sur les aides publiques accompagnent souvent la pratique du démarchage téléphonique.
La crise sanitaire ayant mis le travail parlementaire en pause, il aura fallu attendre le mois de mai pour que le Sénat se penche sur cette nouvelle interdiction…
Le Sénat dit « Non »
Le 25 mai dernier, la commission des lois du Sénat était rassemblée pour examiner en deuxième lecture la proposition de loi visant à lutter contre le démarchage téléphonique abusif. Par un amendement du rapporteur, André Reichardt, la commission a supprimé l’interdiction de démarchage dans la rénovation énergétique, initialement adoptée à l’Assemblée nationale.
Le rapporteur du texte estime que l’interdiction pure et simple du démarchage téléphonique dans le secteur de la rénovation énergétique porte « un risque d’atteinte au principe constitutionnel d’égalité devant la loi ». En interdisant le démarchage téléphonique dans le secteur de la rénovation énergétique, le texte voté à l’Assemblée nationale opérerait des différences entre les secteurs d’activités.
S’agissant de la constitutionnalité de la différence entre secteurs, le Conseil Constitutionnel a autorisé le 9 avril 1996 que l’on traite différemment des réalités différentes. Ainsi, si demain, le Parlement décide d’interdire le démarchage téléphonique, c’est l’ensemble du secteur de la rénovation énergétique qui sera concerné. Il y aura donc bien un traitement égal de l’ensemble des professionnels face à cette nouvelle réglementation ; La justification d’une inégalité intersectorielle semble fragile.
N’oublions pas qu’en 2018, les plaintes liées au démarchage téléphonique abusif dans le domaine de la rénovation énergétique ont augmenté, selon la DGCCRF, de plus de 80% ! Ces pratiques entament la confiance des ménages à réaliser des travaux et jettent le discrédit sur l’ensemble des professionnels, y compris ceux qui respectent le cadre en vigueur.
Le 4 juin prochain, la proposition de loi passera en séance publique au Sénat, il y a fort à parier que la position de la Commission des Lois soit confirmée. Il faudra donc attendre la commission mixte paritaire pour peut-être espérer une nouvelle avancée sur la lutte contre les abus dans le secteur de la rénovation énergétique.