Chauffage au bois et qualité de l’air : le point avec Eric Vial

Nous nous sommes entretenus avec Eric Vial, délégué général du Syndicat Français des Chaudiéristes Biomasse, pour démêler le vrai du faux du chauffage au bois. Est-ce qu’une chaudière bois ou granulés pollue ? Comment faire pour limiter son impact environnemental ? Toutes les réponses ici.

1. Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

Je suis président du SFCB (Syndicat Français des Chaudiéristes Biomasse), qui regroupe environ 90% du marché de la chaudière à bois en France (sur des modèles de moins de 500 kW). Le Syndicat a été créé en 2017 et a pour vocation de travailler sur la réglementation dans le secteur, mais aussi de diffuser des messages en faveur du bois énergie et défendre cette filière, puisqu’aucun acteur ne s’y était consacré jusqu’alors.

2. Des études affirment que le chauffage au bois est le principal responsable des émissions de particules fines en France. Qu’avez-vous à y répondre ?

Ces études disent vrai. En revanche, il y a une nuance à souligner : aujourd’hui, les laboratoires ne sont pas en mesure d’identifier si la pollution de l’air est uniquement due au chauffage au bois, ou si d’autres sources existent (brûlage de déchets verts, certaines pratiques agricoles…)

 

Et surtout, les émissions de particules fines dont on parle ne sont pas émises par les équipements qui existent en ce moment sur le marché, mais par de vieux appareils : on pense aux cheminées à foyer ouvert, qui en plus d’être inefficaces sur le plan du chauffage, polluent énormément. Globalement, tous les appareils aux bois datant d’avant les années 2000 émettent beaucoup de particules fines, car à l’époque aucune réglementation n’existait et la pollution de l’air n’était pas une priorité.

 

Selon moi, c’est donc d’abord en remplaçant ces vieux équipements que le problème de la pollution de l’air peut être réglé. On pourrait notamment développer les aides financières pour le remplacement de sa chaudière à bûches ancienne.

3. Qu’en est-il des appareils de chauffage au bois aujourd’hui ?

Tous les chauffages au bois du marché actuel sont très performants et limités en matière d’émissions de particules fines. Je parle ici des chaudières à bûches, chaudières à granulés, poêles à bûches et poêles à granulés. C’est d’autant plus vrai depuis le 1er janvier 2020 avec la directive européenne Ecodesign, car il n’est même plus permis de mettre des chaudières au bois non performantes sur le marché, avec des exigences toujours plus fortes en matière de rendement et d’émissions (et idem à partir du 1er janvier 2022 pour les poêles).

4. Outre le matériel, c’est aussi l’usage que l’on en fait qui compte, n’est-ce pas ?

Absolument. Une mauvaise utilisation de son chauffage au bois a des conséquences en termes de pollution de l’air. Mais il n’est pas forcément facile de l’expliquer au plus grand nombre.

 

Pour donner quelques pistes, déjà, il est important de choisir un combustible de qualité : des granulés, ou des bûches bien sèches et correctement stockées (par exemple, les tas de bois sous des bâches quand vous vous promenez, c’est exactement ce qu’il ne faut pas faire : il sèche mieux s’il n’est pas couvert). Ensuite, vous devez allumer correctement votre poêle ou votre chaudière : mettre le bois à l’envers en ouvrant les entrées d’air à fond, puis réduire. Enfin, il ne faut surtout pas négliger l’entretien de votre appareil.

 

Il y a plein de conseils comme cela à appliquer pour avoir une bonne combustion et limiter l’impact sur la qualité de l’air. Il faut vraiment améliorer la communication sur ces bons usages : des campagnes de communication nationales, plus de dialogue entre les artisans et les particuliers…

5. Les détracteurs du chauffage au bois parlent aussi du problème de la déforestation.

Contrairement à ce que certains veulent faire croire, nos forêts sont riches, diverses, et en croissance constante : à savoir que l’homme ne prend qu’à peine la moitié de la croissance annuelle de la forêt pour ses besoins.

 

Et ce qu’il faut bien comprendre avant tout, c’est qu’en France comme en Europe, on ne coupe pas un arbre pour faire du bois énergie. On plante un arbre principalement pour faire du bois d'œuvre, ou bois construction (pour les charpentes, les palettes, les planchers…), ou encore dans le but d’enrichir la biodiversité, pour les loisirs, etc.

 

L’usage premier de la coupe d’un arbre n’est donc pas de produire des bûches ou des granulés pour votre chauffage. On utilise pour cela des sous-produits du bois : les coupes d’éclaircie des arbres les moins “vaillants” d’une forêt pour laisser les meilleurs sujets se développer, et les restes — sciures, écorces — issus des troncs d’arbres qui arrivent dans les scieries.

6. Quels sont les principaux avantages du chauffage au bois selon vous ?

C’est l'énergie vertueuse par excellence ! Le bois est une ressource naturelle, économique, mais aussi continue et permanente, nous l’avons en quantité illimitée et à portée de main. C’est également un combustible presque 100% Français, produit dans des zones rurales, ce qui crée de l’emploi dans des endroits qui en ont besoin. Par ailleurs, les rendements des appareils de chauffage au bois que vous pouvez trouver aujourd’hui sont excellents, certaines chaudières à granulés dépassent les 100% ! Et même si le coût d’investissement de départ est élevé, il faut penser aux aides financières qui sont nombreuses pour réduire ses frais.

7. Justement, que pensez-vous des dispositifs d’aides existants pour les appareils de chauffage ?

La logique des aides financières a été très efficace pour encourager les gens à investir dans des appareils peu polluants et pour mettre en avant les énergies renouvelables : pour les chaudières au bois, seuls les appareils labellisés flamme verte ou à performances équivalentes peuvent bénéficier de subventions, et c’est une bonne chose. Ces équipements sont d’ailleurs ceux qui bénéficient aujourd’hui des aides les plus élevées, pendant que les appareils fonctionnant aux énergies fossiles ne sont progressivement plus subventionnés.

 

Il reste cependant plusieurs points sur lesquels nous souhaiterions de l’amélioration, c’est d’une part intégrer les ménages aux revenus aisés dans les bénéficiaires des aides pour le chauffage au bois, et d’autre part régler les difficultés administratives pour la gestion de ces aides financières : cela s’améliore, mais il reste toujours des lenteurs et des difficultés dans le versements des aides pour les particuliers, et de nombreux professionnels se sont retrouvés en danger à cause de ça. C’est beaucoup de lourdeur administrative pour un artisan dont ce n’est pas le rôle au départ.

8. Que pensez-vous du plan du gouvernement pour améliorer la qualité de l’air et réduire les émissions du chauffage au bois ?

Nous trouvons que les propositions sont bonnes : nos positions ont été écoutées, et nous pensons que cela va globalement dans le bon sens. Après, on manque de concret ! On nous parle d’une campagne de communication pour le chauffage au bois, etc… Nous aimerions bien voir concrètement ce que cela peut donner et voir vraiment l’implication de l’Etat, financière notamment, sur le sujet.

 

Il reste un sujet qui reste problématique sur lequel le plan du gouvernement n’apporte pas encore de solution : celui du ramonage. C’est une vraie faiblesse dans la filière, car il n’y a pas assez de professionnels spécialisés et ils ne sont pas organisés au niveau national pour pouvoir communiquer et défendre leurs droits auprès de l’Etat. Pourquoi pas par exemple créer un RGE ramonage ? Simplifier et améliorer les formations ? Aujourd’hui, l’obligation de ramonage des appareils au bois n’est pas viable car il n’y a pas assez de professionnels qualifiés à qui faire appel. C’est un problème qu’il faut résoudre et qui concerne directement la qualité de l’air.

9. Concernant la RE 2020, pensez-vous que son contenu est positif pour le chauffage au bois ?

Il y a quelque chose de très intéressant pour le granulé de bois dans la RE 2020, c’est la poussée du bois construction : cela fera d’autant plus de déchets de bois (sciures, écorces, etc.), de la matière première pour développer la production de pellets. Globalement, la RE 2020 va dans le bon sens pour la filière du bois.

Amandine Martinet

Journaliste web pour Effy

Journaliste diplômée de l’Institut Français de Presse, je suis passionnée par les questions liées à la transition énergétique et à l’habitat. Ma mission ? Écrire pour vous aider à être bien chez vous au quotidien !