5ème période CEE : Des arbitrages positifs qui ne lèvent pas toutes les inquiétudes
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Le Ministère de la Transition Ecologique a publié une note de calcul puis un communiqué de presse qui fixent enfin le niveau de l’obligation d’économies d’énergie pour la 5ème période du dispositif des certificats d’économies d’énergie (CEE) ainsi que le montant de sa composante dédiée à la précarité énergétique. Pour rappel, le dispositif des CEE représente 4 milliards d’euros d’incitation aux économies d’énergie chaque année.
Quels sont les impacts de ces arbitrages, notamment au regard des modifications déjà entreprises ces dernières semaines ?
Augmentation du volume d’obligation et part plus importante du volet précarité
L’obligation globale pour la 5ème période (2022-2025) sera donc 2500 TWh cumac. Par rapport à la 4ème période, également quadriennale, cela représente une hausse de 17%. Cependant, avec la réduction des pondérations et bonifications cette serait d'environ 50% si l’on prend en compte les modifications substantielles du dispositif.
L’obligation dédiée aux travaux réalisés chez les ménages en situation de précarité énergétique a augmenté de 21% pour atteindre 730 TWhc au lieu des 600 TWhc initialement prévus. L’obligation de précarité représentera donc un peu plus de 29% de l’obligation totale quand elle était auparavant fixée à 25%.
Ce rehaussement de l’obligation de précarité, que nous avions demandé aux côtés des membres de l’Initiative Rénovons ! est positif car il contribuera à endiguer les conséquences des stock de CEE précarité constitués sur la 4ème période et reportables sur la 5ème période. En effet, sans mesures d’ajustement, le report d’un stock massif de CEE précarité conduirait à une baisse drastique du soutien aux ménages plus modestes puisque qu’une grande partie de l’obligation serait réalisée en début de période.
Un soutien renforcé aux plus modestes mais des inquiétudes liées à la période de transition !
Cette hausse de l’obligation est à analyser au regard des mesures de recentrage du dispositif CEE prises à travers les arrêtés du 11 mars et du 13 avril. Ces deux textes réduisent et suppriment des coups de pouce ainsi que des bonifications et recentrent le périmètre de la précarité énergétique sur les ménages très modestes. Ainsi, 29% de l'obligation totale (part de précarité) devra désormais être réalisée uniquement par des travaux concentrés chez les ménages les plus modestes (ce qui représente notamment 20% de propriétaires occupants [1]).
Ces modifications importantes dès la fin de la 4ème période visent notamment à réduire les stocks de CEE reportables sur la 5ème période. Cependant, elles font diminuer mécaniquement les aides et augmentent le reste à charge des particuliers d’ici le 1er janvier 2022, sans pour autant garantir une neutralisation des stocks. Cet écueil aurait pu être évité avec un niveau d’obligation plus important, tel que nous l’avions proposé. Il aurait permis d’absorber l’effet report sans impacter les dispositifs de soutien aux ménages, notamment les plus modestes. Les conséquences pourraient être dommageables en termes écologique et social, notamment pour la catégorie des ménages modestes particulièrement affectée par ces changements.
Ces modifications importantes dès la fin de la 4ème période visent notamment à réduire les stocks de CEE reportables sur la 5ème période. Cependant, elles font diminuer mécaniquement les aides et augmentent le reste à charge des particuliers d’ici le 1er janvier 2022. Ces effets liés à la réforme du dispositif CEE pourraient être atténués si le Coup de pouce rénovation performante en maison individuelle est davantage mobilisé. Récemment réformé, ce Coup de pouce permet à travers un bouquet de travaux et un gain de performance minimal de bénéficier d’un soutien important notamment lors de la réalisation de travaux d’isolation couplés au changement d’un système de chauffage. Cette dynamique serait positive mais elle appellera un renforcement des contrôles pour lutter contre les éco-délinquants qui pourraient reproduire les pratiques frauduleuses observées sur les « coups de pouce à 1 euro ».
Un financement de l’AccompagnateurRénov via un programme CEE : quelles modalités et quels impacts ?
Le communiqué de presse annonce également un rehaussement du plafonnement des programmes CEE à 11,5% de l’obligation totale (288 Twh) au lieu des 8% initialement prévus. L’augmentation de cette enveloppe est notamment justifiée par la participation de programmes CEE au financement des prestations d’accompagnement dans le cadre du dispositif MonAccampagnateurRénov’ proposé par Olivier Sichel, et récemment introduit dans le projet de loi Climat-Résilience. Le rapport rendu par la mission Sichel estime le besoin de financement 370 millions par an soit environ 1,5 milliards sur quatre ans.
Si le financement du dispositif est bonne nouvelle pour son déploiement il n’en demeure pas moins que beaucoup de questions restent en suspens. Par exemple, le financement de l’AccompagnateurRénov impactera-t-il la réalisation de l’obligation de précarité énergétique par un programme ciblant exclusivement l’accompagnement des publics très modestes. Il est essentiel que le financement de l’AccompagnateurRénov’ par un ou plusieurs programmes CEE n’absorbe pas les avancées récemment annoncées au service de l’aide aux ménages les plus modestes.
Le rehaussement de l’obligation globale et de l’obligation de précarité énergétique va dans le bon sens. Cependant, il est essentiel de demeurer vigilant quant au caractère suffisant de ces mesures pour assurer un soutien à la hauteur des besoins des ménages les plus modestes. La concertation récemment ouverte sur les modalités du dispositif encore à définir sera l’occasion de compléter et renforcer le dispositif au service d’une 5ème période permettant de contribuer plus encore à la dynamique de rénovation énergétique, notamment à travers un soutien financier accru, particulièrement pour les plus modestes.