Décarbonation des bâtiments, fin de 5ème période CEE : clap de fin pour les consultations de l’été !

L’installation de nouvelles chaudières gaz doit-elle être restreinte ? Les fournisseurs d’énergie devront-ils doubler leurs efforts d’économies d’énergie en 2025 ? La réforme de MaPrimeRénov’ en 2 piliers réussira-t-elle à réduire les émissions du secteur résidentiel privé ? Autant de questions auxquelles Effy était appelé à répondre jusqu’au 28 juillet dans le cadre des concertations estivales sur la décarbonation des bâtiments ou encore sur le renforcement de l’obligation CEE de 5ème période. Tour d’horizon.

Le tuilage avec les dispositifs existants, maillon manquant de la réforme des aides

La concertation sur la décarbonation des bâtiments était l’occasion pour le Gouvernement de challenger son projet de refonte de MaPrimeRénov’ en deux piliers au 1er janvier 2024 : efficacité et performance. Si la création de ceux-ci va dans le bon sens, il s’agit d’assurer une évolution progressive de ses modalités et de permettre un tuilage efficace avec les différents dispositifs existants. En l’état, la réforme proposée pourrait créer un coup d’arrêt ou une nouvelle cassure pour le secteur. Pour assurer ce tuilage, il apparaît souhaitable par exemple de laisser la possibilité aux passoires thermiques d'accéder au pilier efficacité en 2024

Pour aller plus loin dans cet effort de tuilage, Effy s’est justement saisi de la concertation parallèle sur le renforcement de l’obligation CEE de 5ème période. C’est en ce sens que nous proposons de lisser le rehaussement de 400 TWhc sur les années 2024-2025 – contre 2025 seulement dans la concertation. Ce lissage permettrait un calibrage avec la réforme MaPrimeRénov’ pour mieux la soutenir et rendrait plus efficace l’impact du rehaussement en vue de la 6ème période du dispositif. De plus, alors que les TRVE augmentent déjà de 10% ce 1er août 2023, une augmentation de l’effort des CEE à faire réaliser des économies d’énergie en 2024 permettrait de protéger les plus modestes de la levée progressive du bouclier tarifaire. 

Enfin, afin de pallier l’abandon du gisement isolation, l’annonce à la rentrée 2023 d’un nouveau Coup de Pouce isolation serait la bienvenue en parallèle du rehaussement de 400 TWhc. L’isolation thermique du parc résidentiel représente en effet un gisement d’économie de CO2 généré quasi équivalent à celui engendré par la sortie complète du chauffage au fioul d’après le SGPE1.

Déjà un pschitt pour l’interdiction des chaudières gaz ?

Si le fruit desdites consultations doit être annoncé à la rentrée pour nourrir le projet de loi de finances pour 2024 et la future loi de programmation énergie-climat, le Gouvernement a déjà laissé filtrer en juillet certains arbitrages. Lors de son passage aux Rencontres économiques d'Aix-en-Provence, le ministre de l’Economie s’est ainsi dit « opposé » à une interdiction des chaudières à gaz qui constituerait selon lui « une mauvaise idée »2. Plutôt qu’une interdiction, Bruno Le Maire juge préférable de parier « sur des dispositifs incitatifs, en changeant la fiscalité »3.

Un pari qui semble avoir les faveurs de l’exécutif d’après des informations révélées par Contexte et Les Echos la semaine dernière4. Le sujet de l’interdiction des chaudières gaz serait remisé, en contrepartie d’une suppression totale au 1er janvier 2024 des aides existantes  pour leur installation et d’une évolution de leur fiscalité. Traduction : la fin de la TVA à 5,5% pour les chaudières gaz. Une mesure soutenue par Effy, qui rappelle que la simplification de la politique de rénovation énergétique passe par une meilleure lisibilité des aides, et donc par un alignement du régime fiscal et budgétaire des chaudières gaz

Se concentrer sur une (véritable) interdiction des chaudières fioul

Par ailleurs, si l’interdiction des chaudières gaz n’est plus d’actualité, Effy appelle à doubler les efforts en faveur de la sortie du fioul du parc résidentiel privé. En ce sens, il serait opportun pour le réseau France Rénov’ de lancer une campagne de ciblage des ménages se chauffant au fioul afin de les engager dans un parcours de rénovation énergétique. Cet engagement suppose a minima une prolongation de la prime à la casse pour les cuves à fioul dans la future architecture de MaPrimeRénov’ en 2024.

Enfin, constatant qu’il existe encore de nombreuses offres de vente de chaudières fioul sur internet, il convient de transformer l’interdiction d’installation en vigueur depuis le 1er juillet 2022 en une interdiction de vente, afin de s’assurer qu’aucune chaudière fioul ne circule plus sur le marché.





[1] La planification écologique dans les bâtiments, réunion de travail sur la rénovation énergétique, SGPE, 12 juin 2023, p. 32.
[2] Bruno Le Maire invité de François Lenglet à l'occasion des Rencontres économiques d'Aix-en-Provence, LCI, 9 juillet 2023.
[3] Ibidem.
[4] Pas d’interdiction des chaudières gaz en vue, Contexte Energie, briefing du 26 juillet 2023 | Interdiction des chaudières à gaz : le gouvernement fait marche arrière, Les Echos, 27 juillet 2023.
[5] Le projet d’arrêté prévoyant l’arrêt au 1er janvier 2024 des aides CEE pour l’installation d’une chaudière gaz en maison individuelle a déjà été adopté le fin juillet par le Conseil Supérieur de l’Energie.

Victor Breheret

Chargé des Affaires Publiques chez Effy

Chaque semaine je décrypte à chaud l'activité législative au Parlement, les évolutions réglementaires d'aujourd'hui et de demain mais aussi les tendances politiques autour de la rénovation énergétique et l'autoconsommation solaire résidentielle.