Des rénovation thermiques chères et presque inutiles ?
Un récent édito de l’émission « C à vous » diffusé sur France 5 a porté la pertinence des rénovations énergétiques en termes de coût, mais également en termes de résultats, s’appuyant notamment sur une récente intervention au collège de France de l’économiste Esther Duflo, prix Nobel d’économie. Sans pour autant trancher la question, cet édito au titre presque provocateur « rénovation énergétique : chère et presque inutile ? » interroge la baisse de la consommation énergétique dans les logements à la suite de travaux de rénovation énergétique, notamment au regard de l’effet rebond et, donc l’efficacité de cette politique publique centrale au regard de nos objectifs climatiques. Réponse sur le coût et l’utilité de cette politique !
Des rénovations énergétiques couteuses pour les finances publiques ?
En termes de finances publiques, MaPrimeRénov’ représente aujourd’hui pas loin de 2,5 milliards d’euros de budget annuel auquel il faut ajouter 2 milliards de dépenses fiscales liées à la TVA à 5,5% appliqués sur les travaux de rénovation énergétique. Si on ajoute les crédits de l’Anah sur lesquels sont financés les aides MaPrimeRénov’ Sérénité et MaPrimeRénov’ Copropriétés ainsi que l’Eco-prêt à taux zéro, le budget public consacré à la politique publique structurelle de rénovation énergétique se situe bien autour de 4 milliards d’euros. Principale aide à la rénovation énergétique, le dispositif des certificats d’économies d’énergie, est évalué à 4 milliards d’euros d’aides pour le secteur résidentiel[1]. Au total le budget des aides à la rénovation énergétique (public et privé), représente cinq fois moins que les plus de 40 milliards de mesures conjoncturelles de lutte contre la hausse des prix de l’énergie mis en exergue par la Direction Générale du Trésor pour 2022 [2].
Des rénovations énergétiques peu utiles ?
Lorsque l’on aborde l’utilité des travaux de rénovation énergétique et ces bienfaits, le premier sujet concerne évidemment les économies d’énergie. Selon le très récent rapport de l’observatoire national de la rénovation énergétique, les rénovations aidées sont de plus en plus efficaces sur la période 2016-2020 puisque l’économie d’énergie moyenne par logement passe de 2 800 kWh à 3 600 kWh par logement. Cela représente quasiment 25% de la consommation énergétique d’une résidence principale en 2020 qui est évaluée à 14 570 kWh[3].
Cependant, réduire la rénovation énergétique aux économies d’énergie demeure très réducteur. Tout d’abord, ces travaux permettent de réduire les émissions de Co2. Un rapport de l’ADEME[4] met notamment en exergue que le dispositif des CEE, dont qui concerne à 70% la rénovation énergétique du secteur résidentiel, contribue à la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES). Les rénovations sont énergétiques mais aussi environnementales. Les rénovations énergétiques ont également des bienfaits sur le plan sanitaire, comme en témoigne un rapport de France Stratégie portant évaluation socioéconomique des effets de santé des projets d’investissement public [5]. Enfin, les rénovations énergétiques des logements permettent d’améliorer le confort de ses occupants ainsi que leur pouvoir d’achat et de réduire les inégalités dans le logement et d’augmenter.
L’efficacité des dispositifs d’aides : le sujet
Identifiée parmi les politiques prioritaires du Gouvernement, vectrice de la majorité de nos économies d’énergie au titre de nos obligations européennes, la rénovation énergétique des logements demeure une politique publique efficace. Cependant, les orientations de la politique publique de rénovation énergétique peuvent effectivement faire débat notamment au regard de l’efficacité constatée. Le sujet n’est donc pas la dimension couteuse de la rénovation énergétique des logements ni son utilité avérée mais plutôt l’efficacité des crédits publics engagés pour opérer la transition énergétique et environnementale des logements. Le récent rapport de l’Observatoire national de la rénovation énergétique (ONRE) sur les travaux de rénovation énergétique aidés entre 2016 et 2020 met en exergue le lien entre la performance des dispositifs d’aides et leur périmètre. En effet, les économies d’énergie moyenne par logement ont augmenté sur la période avec le recentrage du crédit d’impôt en 2019 sur des gestes à la meilleure efficacité énergétique. Par conséquent, il serait surement davantage intéressant débattre de l’ambition des rénovations énergétique, de la nécessité de réaliser des travaux d’isolation lors d’un changement de système de chauffage et d’embarquer davantage de rénovation globale et de rénovations multi lots.
[1] https://www.effy.fr/flash-info/aides-la-renovation-energetique-une-augmentation-budgetaire-et-des-interrogations
[2] Trésor Eco -Répartition des pertes dues à la dégradation des termes de l'échange énergétiques - N° 318 - Décembre 2022 - Direction Générale du Trésor
[3]Ministère de la Transition écologique – SDES - Consommation d'énergie par usage du résidentiel – Décembre 2021 : consommation totale résidences principales (430,833 TWh) / résidences principales (29,571 millions) :
consommation totale résidences principales (430,833 TWh) / résidences principales (29,571 millions)
[4] ADEME, ATEMA Conseil, Philippe BERTRAND. BURGEAP, Thibault LACHESNAIE, Fabrice PETITFRERE, Salomé BAKALOGLOU. 2021. Etude exploratoire sur l’intégration d’une composante carbone dans le dispositif des CEE.
[5] https://www.effy.fr/flash-info/renovation-energetique-des-bienfaits-qui-sont-aussi-sanitaires