Directive Performance Energétique des bâtiments – accord du Conseil : une régression quand le contexte appelle à une ambition structurelle

Le paquet Fit for 55 prévoit la révision de plusieurs textes communautaires majeurs pour le secteur du logement, notamment la directive performance énergétique des bâtiments (EPBD). La semaine dernière, les ministres de l’énergie des Etats membres de l’Union européenne ont adopté leur position concernant la révision de ce texte qui prévoit notamment les normes et objectifs de performance des bâtiments, dans un contexte de crise énergétique ou les réponses et ambitions de moyen et long terme sont plus que jamais nécessaires aux côtés des mesures d’urgence.

L’ambition de la Commission pour la directive EPBD

Comme son nom l’indique, cette directive européenne, existante depuis 2022, a pour objectif d’améliorer la performance énergétique et climatique des bâtiments des pays membres de l’Union européenne, dont les niveaux d’ambition sont différents.

Dans le cadre du paquet Fit for 55, la proposition de révision de la Commission européenne avait notamment pour objet de rehausser l’ambition et les objectifs fixés pour « réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) et la consommation d’énergie finale des bâtiments d’ici à 2030 ainsi que de définir une perspective à long terme pour les bâtiments afin de parvenir à la neutralité climatique à l’échelle de l'Union européenne en 2050 ». Parmi les évolutions phares proposées par la Commission européenne : la mise en place progressive de normes minimales de performance énergétique pour déclencher la rénovation des logements les moins performants. Ainsi, le projet prévoit la fin des logements disposant d’un certificat de performance énergétique (notre DPE) G[1] en 2030 et la fin des passoires thermiques (certificat de performance énergétique G&F) au plus tard en 2033, donc leur rénovation d’ici cette échéance. Le projet de directive prévoit également l’introduction d’une norme de « rénovation profonde ».

Cette ambition de performance du parc résidentiel est notamment essentielle au regard du projet de révision de la directive sur l’efficacité énergétique, qui prévoit une réduction collective de 13% de la consommation d’énergie des Etats membres en 2030 par rapport au scenario de référence 2022[2] , à la suite du plan RePowerEu.

Accord du Conseil de l’UE : une régression pour le parc résidentiel

La réunion des ministres de l’Energie qui s’est tenue la semaine dernière a abouti à l’adoption d’une orientation générale sur la révision de la directive EPBD, dans le cadre de la négociation entre les institutions européennes.

Force est de constater que les ambitions énergétiques et climatiques, notamment pour le parc résidentiel existant, ont été revues à la baisse à travers la suppression de l’obligation d’éradication en 2033 de l’ensemble des logements dont l’équivalent du DPE serait de niveau F ou G au profit d'une obligation de consommation moyenne d’énergie primaire du parc résidentiel des Etats membres au moins équivalente au niveau de performance énergétique D en 2033. A partir de 2040, un standard supérieur sera défini par les Etats membres en cohérence avec leur trajectoire progressive permettant d’atteindre un parc immobilier « zéro émissions ». Par conséquent, on passe de l’obligation d’en finir avec les logements les moins performants en 2033 à une moyenne de performance du parc puis à des valeurs définies par les Etats membres. Cette orientation générale est d’autant plus regrettable étant donné le contexte de crise énergétique. L’adoption de mesures structurelles sont essentielles car les mesures d’urgence de très court terme ne sauraient suffire.

La France moteur pour une directive plus ambitieuse, particulièrement sur le secteur résidentiel

Malgré l’adoption d’une orientation générale, plusieurs Etats , dont la France, ont réalisé une déclaration commune appelant notamment à davantage d’ambition dans le cadre de la révision de cette directive EPBD, en particulier pour les bâtiments résidentiels. Cette déclaration appelle le co-législateur, le Parlement européen, à aller en ce sens. Le Président de la Commission de l’Environnement du Parlement européen, Pascal Canfin, a également partagé cette position en pointant « un accord a minima sur la directive qui révise les standards écologiques des bâtiments, nouveaux et anciens » avant de rappeler que c’est « à juste titre la France et d’autres pays demandent plus d’ambition dans la négociation à venir avec le Parlement ». Du côté de la Commission européenne, la commissaire européenne à l’énergie, Kadri Simson relève également que l'accord du Conseil est moins ambitieux que la proposition initiale de la Commission[4].

Face à ce recul notoire de l’ambition en termes de performance énergétique pour le parc de logement, la Ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, a rappelé la nécessaire révision à la hausse de l’ambition du texte notamment pour y inclure davantage d’objectifs contraignants avant 2040. Elle a déclaré que « compte tenu de normes minimales de performance différentes dans chaque pays, le texte est amené à repousser les premières étapes contraignantes à 2040 : c'est dangereux, ça nous met en risque par rapport à nos objectifs climatiques »[5].On peut se réjouir que la France défende l’ambition d’exigences et d’objectifs plus important en matière de performance des logements, d’autant plus dans un contexte où il est plus que jamais nécessaire de prendre des mesures structurelles au regard de la crise énergétique que nous traversons.