Directive EPBD : le retour à une véritable ambition avec le Parlement européen
Le marathon des révisions des textes législatifs européens, dans le cadre du paquet Fit for-55, continue ! Après son adoption en commission de l’industrie, de la recherche et de l'énergie, le Parlement a enfin adopté en plénière sa position sur la directive performance énergétique des bâtiments (EPBD). Le texte issu[1] de cette adoption renforce l’ambition de la proposition de la Commission alors que celle du Conseil de l’Union européenne tend à la minorer.
Retour sur les mesures phares issues de la position du Parlement européen, les interrogations qu’elles soulèvent, et la suite des discussions entre co-législateurs.
Le Parlement plaide pour une ambition renforcée
La proposition initiale de la Commission européenne vise la fin des logements à diagnostic de performance énergétique (DPE) G en 2030 et la fin des passoires thermiques (F&G) au plus tard en 2033, donc leur rénovation d’ici cette échéance. Le Parlement européen a renforcé cette ambition de performance énergétique du parc résidentiel pour les Etats membres. En effet, les Députés européens souhaitent que les Etats garantissent la fin de l’ensemble des passoires thermiques en 2030 et des logements E en 2033.
Quelques flexibilités, limitées à 22% maximum du parc résidentiel, sont apportées à ce cadre : les logements sociaux dont le coût des rénovations seraient supérieurs aux économies d’énergie pourraient être exemptés sur demande des Etats membres. De même, la Commission peut décider, sur demande motivée d’un État membre d’adapter les normes minimales de performance énergétique pour certains bâtiments résidentiels spécifiques des raisons de faisabilité économique et technique et de disponibilité de main-d’œuvre qualifiée.
Par ailleurs, la version de la révision de la directive adoptée par le Parlement européen maintien la disposition prévoyant que la lettre G de l’échelle de performance énergétique correspond à 15% du parc de bâtiment national.
Mais qui appelle à des moyens d’une toute autre envergure
Cette ambition doit être saluée car il est essentiel d’éradiquer les passoires thermiques le plus tôt possible. Cependant, ce calendrier doit être interrogé au regard de sa mise en application. Si les dispositions adoptées par le Parlement européen étaient définitivement mises en œuvre elles pourraient signifier à terme l’interdiction de la location mais aussi de la vente de logements très énergivores (passoires thermiques en 2030 et E en 2033). De plus, si les Etats membres doivent faire coïncider la catégorie G à 15% des bâtiments les moins performants et répartir en tranches uniformes le reste du parc, cela pourrait augmenter le nombre de logements visés par les éventuelles interdictions. En effet, les passoires thermiques représentent 16,7% des résidences principales françaises au 1er janvier 2022[2].
Actuellement, l’interdiction progressive de location des passoires thermiques d’ici 2028, certes justifiée, ne manque pas d’être débattue, notamment au regard des dispositifs de soutien pour rénover les logements concernés bien qu’elle soit, comme le rappelle l’exposé des motifs du projet de révision de la directive EPBD, « L’accès à des subventions et à un financement suffisant est crucial pour atteindre les objectifs d’efficacité énergétique fixés pour 2030 et 2050, de même que la réduction du nombre de personnes en situation de précarité énergétique ». Par conséquent, les éventuelles obligations de rénovation de l’ensemble des passoires thermiques, puis des logements E, devront s’accompagner d’un accompagnement d’une toute autre envergure. Si le potentiel renforcement du dispositif des CEE à travers la révision en cours de la directive efficacité énergétique pourrait entrainer des aides renforcées pour le secteur résidentiel, il n’en demeure pas moins qu’il faudra apporter des réponses, notamment du côté du financement bancaire du reste à charge des travaux. Par conséquent, si l’ambition du Parlement venait à se concrétiser, la réussite d’une telle ambition ne se concrétisera qu’à travers un volontarisme bien plus important en matière d’accompagnement à la rénovation.
Dernière étape : le passage en trilogue
A la suite du vote en plénière du Parlement européen, désormais chaque institution du trilogue a adopté sa position. Celle du Conseil du l’Union européenne, colégislateur européen, est située bien en deçà de celle du Parlement européen et constitue même une regrettable régression par rapport la proposition de la Commission européenne.
En effet, l’orientation générale retenue par représentants des exécutifs des Etats membres prévoit la suppression de l’obligation d’éradication des passoires thermiques proposé par la Commission en 2033 au profit d'une obligation de consommation moyenne d’énergie primaire du parc résidentiel des Etats membres au moins équivalente au niveau de performance énergétique D en 2033. À partir de 2040, un standard supérieur sera défini par les Etats membres en cohérence avec leur trajectoire progressive permettant d’atteindre un parc immobilier « zéro émissions ».
Les échanges devraient donc être « robustes durant les trilogues », selon les mots du rapporteur du Parlement européen recueillis par Contexte[3]. En espérant que la robustesse de ces échanges aboutissent à une réelle ambition mais aussi des moyens pour la mettre en œuvre.