Directive performance énergétique des bâtiments : exit le fossile, place au solaire
A l’issue de deux trilogues non conclusifs, les colégislateurs européens sont parvenus le 7 décembre dernier à un accord sur la révision de la Directive performance énergétique des bâtiments (DPEB). La fin d’un marathon législatif de 2 ans commencé en décembre 2021 lors de la présentation par la Commission européenne du paquet Fit for 55. Alors que la Commission vient d’épingler la France pour le manque d’ambition de sa stratégie de rénovation à long terme et son absence d’objectifs quantitatifs pour l’autoconsommation1, Effy analyse l’impact pour la France du texte adopté.
Eradiquer les chaudières fossiles d’ici 2040
C’est le point d’orgue de la révision de la DPEB : l’accord trouvé prévoit un abandon progressif des chaudières à énergies fossiles. La première échéance en la matière rentrera en vigueur en 2025 avec l’obligation de cesser les subventions pour leur installation. Une mesure déjà anticipée par la France puisqu’après MaPrimeRénov’ en 2023, les aides CEE pour l’installation de nouvelles chaudières à gaz cessera au 1er janvier 2024. L’accord trouvé sur la DPEB fixe à 2040 l’éradication des chauffages et systèmes de refroidissement à énergies fossiles dans les bâtiments, résidentiel compris.
Côté consommation d’énergie, la DPEB révisée prévoit une trajectoire de réduction pour les bâtiments résidentiels. Chaque Etat membre devra réduire la consommation d’énergie primaire du résidentiel de 16% d’ici 2030 et de 20 à 22% d’ici 2035. Les mesures adoptées par les Etats membres devront veiller à ce qu’au moins 55% de cette réduction résulte de la rénovation des bâtiments les moins performants2.
Une occasion manquée pour l’autoconsommation solaire résidentielle
L’intégration du solaire à la DPEB a cristallisé les débats autour de sa révision, et plus particulièrement son article 9 bis relatif à l’énergie solaire dans les bâtiments. Si l’accord trouvé en trilogue prévoit d’équiper progressivement les bâtiments publics et non résidentiels existants de panneaux solaires à partir de 2027 et tous les bâtiments résidentiels neufs à partir de 2030, dans l’ancien l’accord trouvé manque particulièrement d’ambition. Alors que le Parlement avait adopté l’obligation d’équiper les logements faisant l’objet d’une rénovation globale d’une installation solaire à compter de 2033, le trilogue est revenu sur cette mesure ! En lieu et place, les Etats membres devront inclure à leurs plans de rénovation des mesures concernant le « déploiement d'installations d'énergie solaire appropriées sur tous les bâtiments ». Un objectif non contraignant qui ne contient aucune précision quant à la granularité des mesures à inclure.
Ce recul sur l’étendue de l’application l’article 9 bis interroge, alors même que le plan RePowerEU prévoit le déploiement de 60 millions de pompes à chaleur en Europe d’ici 2030. Et donc un besoin croissant d’électricité dans le secteur résidentiel afin de répondre aux nouveaux usages. La DPEB fait donc le choix de la pédagogie autour de l’énergie solaire pour les ménages plutôt que la contrainte. En témoigne l’article 10 introduisant le passeport « rénovation énergétique » du logement, qui prévoit de mentionner dans ce futur document la part de production d’énergie et d’autoconsommation après rénovation, alors même que la DPEB ne prévoit aucune obligation en la matière.
Vers une nouvelle réforme du DPE imposée en France ?
L’article 16 de la directive prévoit d’améliorer les certificats de performance énergétique [ndlr, notre DPE] afin d’harmoniser leur contenu à l’échelle de l’UE. Parmi les nouveautés pour le DPE français, la mention obligatoire du taux d’énergie autoproduite par le logement aux côtés de la consommation d’énergie et des émissions de GES. En l’état de la réglementation, le DPE n’affiche pas ce taux et permet simplement de déduire de la quantité d’énergie consommée une part d’énergie autoconsommée3. Cet article prévoit en outre une vingtaine d’indicateurs facultatifs que le DPE pourrait inclure à l’avenir comme la présence de batteries de stockage d’énergie, de bornes de recharge pour véhicules électriques, les émissions de particules fines du logement ou encore un indicateur de potentiel d’intelligence du logement4.
Côté calendrier, le texte adopté fixe un délai de 2 ans suivant la publication (à venir) de la nouvelle directive pour harmoniser le contenu des DPE européens. Toutefois par dérogation, les Etats membres qui auraient revu leur DPE depuis 2019 pourront reporter cette harmonisation au plus tard le 31 décembre 2029. Compte tenu d’une réforme du DPE entrée en vigueur à l’été 2021, la France serait ainsi concernée par ce calendrier décalé. D’ici là, l’accord trouvé en trilogue doit maintenant être approuvé par le Parlement et le Conseil en janvier, avant publication au Journal Officiel de l’UE.
[1] Assessment of the draft updated National Energy and Climate Plan of France, Commission Staff Working Document, 18 décembre 2023.
[2] C’est-à-dire les bâtiments se situant dans la fourchette de 43% des bâtiments ayant la performance énergétique la plus faible parmi le parc immobilier de l’Etat membre conformément à la définition retenue à l’article 2 de la DPEB.
[3] Article 4 de l’arrêté du 31 mars 2021 relatif au diagnostic de performance énergétique pour les bâtiments ou parties de bâtiments à usage d'habitation en France métropolitaine.
[4] C’est-à-dire la capacité du logement à optimiser son efficacité énergétique, s’adapter aux besoins des occupants ou encore à s’effacer en cas de tension sur le réseau.