Du bouclier tarifaire au bras de fer sur le tarif de l’électricité

Un début de semaine électrique. Lundi deux publications ont fait mouche dans le secteur de l’énergie : alors que la Banque de France publiait une note évaluant les effets du bouclier tarifaire, la CRE nous apprenait le refus du Gouvernement de suivre sa délibération en faveur d’une hausse du tarif de l’électricité. Décryptage.

Un refus tarifaire dans l’attente d’une baisse annoncée en février 2025

Alors que le bouclier tarifaire s’éteindra fin 2024, la Banque de France dévoile dans une nouvelle note1  que son coût final pour les finances publiques s’élèvera à 72 milliards d’euros depuis 2022. Un arrêt de soulagement au regard du poids « insoutenable » pour les finances publiques « si la hausse des prix de l’énergie s’était révélée durable et si le bouclier avait été maintenu » note la Banque de France.

Si les prix de gros de l’électricité sont depuis en baisse et écartent l’hypothèse d’une hausse du TRVE, la Commission de régulation de l’énergie a publié lundi une délibération proposant une hausse au motif de la révision annuelle du TURPE2. Le régulateur de l’énergie y propose une hausse de 4,8% de la grille tarifaire du TURPE, conduisant à une hausse de 1% du tarif de l’électricité au 1er août 2024. Alors que ses décisions sont généralement suivies d’effet, la CRE a indiqué lundi le refus du Gouvernement d’appliquer ladite hausse

💡 Un bras de fer perdu par l'exécutif en 2014

En 2014 le Gouvernement avait fait le choix d’annuler une augmentation de 5% du prix de l’électricité proposée par la CRE, privilégiant une hausse de seulement de 2,5%. Une décision annulée en 2016 par le Conseil d’Etat, qui força le Gouvernement a annoncé un rattrapage sur les factures d’électricité des Français de 1,5€ pendant 18 mois.

Un refus non sans rappeler celui de 2014 [voir supra] et qui s’explique par la volonté du Gouvernement sortant de ne pas annoncer une nouvelle hausse du tarif de l’électricité alors qu’il a promis durant la campagne des élections législatives une baisse de 15% en février 2025. Pourtant le TURPE devra être rehaussé pour compenser des recettes tarifaires inférieures aux prévisions d’Enedis. En application de l’article L. 341-3 du Code de l’énergie, le Gouvernement dispose désormais de 2 mois pour demander à la CRE une nouvelle délibération sur l’évolution du TURPE. Mais il y a fort à parier que la non-augmentation d’aujourd’hui conduira demain un rattrapage sur les factures d’électricité, comme en 2016…

Quel avenir pour le tarif de l’électricité ?

Dans ce contexte politique flou, la commission d’enquête sénatoriale sur le prix de l’électricité a rendu début juillet son très attendu rapport d’enquête3. La commission y formule une série de propositions pour réduire le poids des 3 taxes pesant sur le kilowattheure :
 

  • Premièrement, le rapport préconise de baisser la TVA à 5,5% uniquement sur la consommation de base d’électricité. Au-delà de 4,5 MWh/an pour un ménage non chauffé à l’électricité et 6 MWh/an pour un ménage avec chauffage électrique, la TVA applicable serait de 20%. 
     
  • Deuxièmement, les sénateurs proposent – toujours sur la seule consommation de base – de baisser l’accise sur le prix de l’électricité de 21€ à 9,5€/MWh. Pour rappel, le niveau de l’accise doit à date retrouver au 1er février 2035 son niveau d’avant-crise, soit 32€.
     
  • Enfin, le rapport propose tout bonnement la suppression de la contribution d’acheminement, une taxe représentant environ 4% de la facture d’électricité d’un ménage.


En résumé, l’avenir du tarif de l’électricité est suspendu à la légalité du refus du Gouvernement d’appliquer la hausse décidée par la CRE, mais aussi à la coalition qui arrivera à former un Gouvernement dans les prochains jours. Nul doute que ce dossier brûlant pour le pouvoir d’achat s’inscrira rapidement à l’ordre du jour du prochain Gouvernement.





[1] Bouclier tarifaire sur les prix de l’énergie en France : quel bilan ?, Banque de France, 15 juillet 2024.
[2] Délibération n°2024-122 TURPE HTA-BT, 15 juillet 2024.
[3] Rapport n°714 fait au nom de la commission d’enquête sur la production, la consommation et le prix de l’électricité aux horizons 2035 et 2050, Sénat, 2 juillet 2024. 

Victor Breheret

Chargé des Affaires Publiques chez Effy

Chaque semaine je décrypte à chaud l'activité législative au Parlement, les évolutions réglementaires d'aujourd'hui et de demain mais aussi les tendances politiques autour de la rénovation énergétique et l'autoconsommation solaire résidentielle.