Le contre-sens du nouveau Gouvernement sur la rénovation énergétique
À chaque jour suffit sa peine pour la rénovation énergétique. Trois ans après la publication d’une loi Climat et résilience ambitieuse sur la question de la rénovation, le Premier ministre a laissé entrevoir hier dans son discours de politique générale un retour en arrière dangereux pour le secteur. Décryptage.
Pas de rénovation énergétique, pas de réduction de la dette écologique
L’action du nouveau Gouvernement sera tournée autour de deux priorités : la réduction de la dette budgétaire et de la dette écologique. La réduction de cette dernière passera notamment par « maîtriser nos besoins d’énergie en faisant preuve de sobriété et d’efficacité » a déclaré le Premier ministre, preuve s’il en fallait une que la réduction des consommations d’énergie est une priorité pour atteindre nos objectifs climatiques. Mais pour y parvenir, encore faut-il poursuivre les efforts pour la rénovation énergétique.
Car Michel Barnier a annoncé vouloir « mieux cibler l’accompagnement des particuliers […] pour la rénovation thermique des bâtiments ». Une annonce pour l’heure encore flou – tant sur le fond que sur le calendrier – mais qui vise très certainement MaPrimeRénov’. Rappelons que pour l’heure la réglementation prévoit un retour au 1er janvier 2025 de la réforme mise en œuvre au 1er janvier 2024, suspendue pour partie depuis le 15 mai dernier. Le Premier ministre aurait-il entendu l’appel lancé la semaine dernière par une trentaine d’acteurs, dont Effy, en faveur d’un maintien des règles actuelles de MaPrimeRénov’ ? La présentation du projet de loi de finances pour 2025, prévue mercredi prochain, pourrait apporter des éléments réponses. Une chose est sûre : une énième réforme, préparée dans l’urgence et chamboulant la lisibilité du dispositif pour les particuliers comme pour les professionnels du secteur irait dans le mauvais sens.
Un rétropédalage sur le calendrier des passoires
En attendant ce chantier vers un meilleur accompagnement des particuliers, le Premier ministre a annoncé un chantier de simplification du diagnostic de performance énergétique ainsi qu’une adaptation au calendrier des passoires thermiques. Une annonce qui intervient à moins de 100 jours de l’entrée en vigueur de l’interdiction de location des logements G. Mais surtout alors que l’Assemblée nationale examinera le 31 octobre prochain une proposition de loi du Rassemblement national visant à supprimer le calendrier des passoires prévu par la loi Climat et résilience1. Le Gouvernement souhaite-t-il décaler ce calendrier ou introduire de nouvelles dérogations ? Si pour l’heure aucune information n’a filtré, ce chantier nécessitera dans tous les cas de recourir à la loi. Pour une efficacité relative car signer un bail pour un logement classé G restera possible au 1er janvier 2025 dans les faits. A la différence près qu’il s’agira d’un logement jugé indécent et donc susceptible d’être dénoncé par le locataire pour obtenir la mise en conformité du bien.
La simplification du DPE pourrait quant à elle passer par voie réglementaire, mais avec des conséquences importantes : près de 340 000 DPE ont été réalisés en septembre dernier. Rappelons que depuis le 1er juillet dernier, le DPE intègre déjà une nouvelle méthode de calcul pour les logements d’une surface inférieure à 40m2 et/ou situés en altitude. Effy rappelle au Gouvernement que la rénovation par les textes ne doit pas supplanter la rénovation énergétique. Enfin, si ce chantier de simplification devait s’attaquer à la méthode de calcul du DPE, Effy appelle notamment à une meilleure prise en compte de l’autoconsommation.
Pour simplifier le DPE et adapter le calendrier des passoires, le Gouvernement suivra-t-il la proposition portée par le député Lionel Causse et ancien président du Conseil National de l’Habitat ? Dans un courrier adressé la semaine dernière à la nouvelle ministre du Logement, le député propose que le DPE retienne – pour une durée définie – la meilleure note entre le DPE énergie et le DPE gaz à effet de serre du logement. Pour rappel, aujourd’hui c’est la moins bonne des deux notes qui est retenue pour définir la classe du logement.
Alors que la dissolution de l’Assemblée nationale avait suspendu une série de textes pour la rénovation énergétique, ce discours de politique générale est marqué par un rétropédalage sur le calendrier d’interdiction des passoires. A l’inverse des annonces faites hier par le Premier ministre, Effy appelle à un maintien du calendrier et au renforcement de l’accompagnement des ménages plutôt qu’un recentrage dicté par des considérations budgétaires.
[1] Proposition de loi visant à réduire les contraintes énergétiques pesant sur l’offre locative et juguler leurs effets sur la crise du logement, Assemblée Nationale.