Le DPE : cet outil incontournable que l’on aime tant détester !

DPE. Trois lettres qui ont su s’inscrire dans l’esprit des Français ces dernières années. Et pour cause : le diagnostic de performance énergétique est devenu malgré lui la clé de voûte de la politique du logement. Alors que ses détracteurs lui imputent pour partie l’origine de la crise du logement, Effy retrace le parcours de ce nouvel étendard de l’efficacité énergétique. Récit.

Un indicateur pour estimer la valeur immobilière

Au 1er novembre 2006, le DPE devenait obligatoire en cas de vente immobilière, avant d’être étendue aux locations dès le 1er juillet suivant. Le DPE n’avait à l’époque qu’une valeur informative. Il faudra attendre la loi ELAN de 2018 pour que le DPE acquiert la même valeur que les autres diagnostics immobiliers et devienne opposable à compter du 1er juillet 20211. Une opposabilité rendue possible grâce à une réforme ayant permis d’uniformiser et de fiabiliser son contenu. Exit ainsi les DPE établis sur la base des factures d’énergie, place à la méthode de calcul 3CL. Cette réforme du DPE deviendra pleinement opérante au 1er janvier 2025 où ne subsisteront que les nouveaux DPE post réforme2.

Depuis cette réforme de 2021, le DPE est devenu la nouvelle épine dans le pied de la politique du logement. Gels des loyers, interdictions de location ou encore audit énergétique obligatoire avant la vente : ces mesures, qui lient désormais performance énergétique et valeur patrimoniale, sont toutes basées sur le diagnostic de performance énergétique. Un nouveau rôle assumé par le DPE qui se reflète dans le nombre de diagnostics réalisés : l’Observatoire en DPE-Audit a enregistré en octobre dernier plus de 370 000 DPE, en hausse de +156% sur deux ans.
 

Evolution du nombre de DPE reçus par l'Observatoire

Un nouveau régulateur des aides

Historiquement, le DPE n’a jamais été un déterminant dans la politique d’aides à la rénovation énergétique. Si certaines aides ont pu être modulées selon l’énergie de chauffage du logement, le DPE avant travaux n’était jamais requis pour déposer une demande d’aide. Jusqu’à aujourd’hui.

La réforme de MaPrimeRénov’ en deux parcours l’année prochaine accorde en effet un rôle central au diagnostic. Dès 2024, le DPE conditionnera l’accès au parcours "sortie des énergies fossiles" de MaPrimeRénov' pour changer sa chaudière. Une solution pertinente pour éviter l’installation d’un chauffage renouvelable dans une maison mal isolée. Les passoires thermiques détectées à l’entrée grâce au DPE seront ainsi systématiquement orientées vers le parcours "rénovation ambitieuse". Sur ce point toutefois, le Gouvernement ne semble pas avoir écouté la commission d’enquête sénatoriale sur la rénovation énergétique, qui appelait en juillet dernier à une fiabilisation du DPE avant qu’il ne conditionne demain toute demande d’aide3. En tout état de cause, nul doute que ce nouveau rôle pivot attribué au DPE se reflètera dans le nombre de diagnostics réalisés en 2024.

Bientôt une réforme de sa méthode de calcul ?

Si le DPE s’est imposé en clé de voute de la politique du logement, il fait face à une recrudescence de critiques depuis plusieurs mois. « Il est encore usuel qu’un même logement reçoive une note différente selon le diagnostiqueur » soulignait cet été la commission d’enquête sénatoriale face à l’hégémonie des notes attribués.  A cet égard, le Gouvernement souffle le chaud et le froid s’agissant d’une éventuelle réforme de fiabilisation du DPE. Début octobre, le ministre de l’Economie et des finances annoncé vouloir changer le DPE, qui ne serait « pas le bon indicateur » selon lui.

Je souhaite que le DPE soit modifié pour tenir compte aujourd'hui des biais qu'il a, à la fois sur les modalités de chauffage et sur la taille des surfaces - Bruno Le Maire, ministre de l'Economie et des Finances5

De son côté, le ministère du Logement assure que le DPE est un outil fiable depuis la refonte de 2021. Pour autant, un travail serait en cours du côté du Ministère du Logement afin d’évaluer les failles du DPE à l’égard des petites surfaces. S’agissant des modalités du chauffage et plus spécifiquement des logements chauffés à l’électricité, une proposition de loi sénatoriale vient d’ailleurs d’être déposée pour remplacer le coefficient de conversion de l’électricité de 2,3 par un facteur 1. D’ici là, la prochaine étape pour le DPE est fixée au 31 décembre 2024, date à laquelle les DPE réalisés avant la réforme de 2021 seront réputés caduques.






[1] LOI n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, article 179.  
[2] Les DPE réalisés entre le 1er janvier 2018 et le 30 juin 2021, soit avant la réforme, expireront en effet au 31 décembre 2024.
[3] Rapport fait au nom de la commission d’enquête sur l’efficacité des politiques publiques en matière de rénovation énergétique, Sénat, Tome 1 – Rapport.
[4] Ibidem, p. 19.
[5] Bruno Le Maire au micro de Sud Radio, 9 octobre 2023.

Victor Breheret

Chargé des Affaires Publiques chez Effy

Chaque semaine je décrypte à chaud l'activité législative au Parlement, les évolutions réglementaires d'aujourd'hui et de demain mais aussi les tendances politiques autour de la rénovation énergétique et l'autoconsommation solaire résidentielle.