Les chaudières fioul font de la résistance

Le 1er juillet 2022, entrait en vigueur l’interdiction d’installation de nouvelles chaudières fioul. Deux ans plus tard, force est de constater que l’interdiction n’a pas eu l’effet escompté. Au contraire, le rythme de remplacements de chaudières fioul dans le résidentiel a contre toute attente… ralenti. Décryptage.

Un rythme de remplacements inférieur à la trajectoire fixée

La sortie du fioul constitue un axe prioritaire de la planification écologique pour décarboner le secteur résidentiel. Dans sa trajectoire, le SGPE prévoit une sortie quasi complète des logements chauffés au fioul d’ici 2030 (environ 75%) et une sortie complète en 2032. En 2022, le parc de maisons individuelles chauffées au fioul s’établissait à près de 2 millions selon les dernières données du CEREN (mars 2024).

La trajectoire fixée par l’actuel Gouvernement vise la sortie de 300 000 logements chauffés au fioul par an d'ici 2032. Un rythme pour l’heure loin d’être atteint : depuis 2022 le rythme de remplacements ralentit fortement. Alors qu’en 2021 plus de 150 000 chaudières fioul ont été remplacées, ce rythme a glissé à 145 000 en 2022, avant de chuter à 91 000 en 20231. Soit un rythme plus de trois fois inférieur à la trajectoire fixée dans la planification écologique. Les premiers chiffres de 2024 ne sont pas plus rassurants : entre janvier et avril, seulement 21 000 chaudières fioul ont été remplacées. Pourtant, le rythme constaté sur 2021-2022 semblait porter ses fruit : en 2022 la consommation de fioul domestique avait fléchit de 13%, soit 5,6 Mtep2. Hélas, la consommation en 2023 n’est pas encore connue. 

Une interdiction en trompe l’œil

Concrètement, l’interdiction d’installation de nouvelles chaudières fioul repose sur un seuil maximal d’émissions des chaudières installés. Depuis le 1er juillet 2022, ce seuil est fixé à 300g de CO2 par kWh, ce qui permet d’interdire les chaudières fonctionnant au fioul… 100% fossile. Car en réalité l’utilisation de biofioul comme le F30 – mélange de fioul fossile et d’huiles végétales raffinées – permet de ramener la chaudière sous le seuil d’émission maximal. Et donc de passer entre les mailles de l’interdiction.

D’autres facteurs sont susceptibles d’expliquer le ralentissement observé des remplacements de chaudières fioul. D’une part, l’interdiction ne concerne que l’installation de chaudières fioul : la vente de chaudières fioul reste autorisée au grand dam de la décarbonation du secteur résidentiel. Bien qu’en baisse de 23%, les ventes de chaudières fioul ont malgré tout atteint 50 000 unités en 20233. D’autre part, quatre mois après l’entrée en vigueur de l’interdiction, le Gouvernement avait mis en place un chèque fioul dans le contexte de crise énergétique. Un signal contre-intuitif susceptible de brouiller la volonté d’éradiquer les chaudière fioul. Enfin, beaucoup de ménages chauffés au fioul préfèrent réparer leur chaudière en cas de dysfonctionnements plutôt que de la remplacer pour des raisons de pouvoir d’achat, de quoi ralentir le rythme de remplacements.

Deux ans après l’interdiction d’installation des chaudières fioul, la sortie du fioul est à un tournant. Si la consommation de fioul domestique est en baisse, des signaux faibles sont à l’origine d’un ralentissement des remplacements de chaudières fioul. Une tendance qui pourrait se confirmer dans les prochains mois en cas de victoire du Rassemblement national aux élections législatives : dans son programme, le parti appelle à baisser à 5,5% la TVA sur les énergies, dont le fioul. Un signal prix à même de renforcer la résistance des chaudières fioul dans le résidentiel.

[1] Statistiques Coup de Pouce Chauffage, Ministère de la Transition écologique.
[2] Bilan énergétique de la France en 2022, Ministère de la Transition écologique, mai 2024.
[3] Bilan 2023 et perspectives 2024, Uniclima, février 2024.

Victor Breheret

Chargé des Affaires Publiques chez Effy

Chaque semaine je décrypte à chaud l'activité législative au Parlement, les évolutions réglementaires d'aujourd'hui et de demain mais aussi les tendances politiques autour de la rénovation énergétique et l'autoconsommation solaire résidentielle.