Lutte contre la fraude : une montée en puissance continue
La lutte contre la fraude dans le secteur de la rénovation énergétique est un sujet de tous les instants tant il demeure essentiel de protéger les particuliers et de leur donner confiance dans des travaux vertueux sur le plan économique, social et environnemental qui doivent encore être massifiés. La récente campagne de l’Anah intitulée "rénovez votre logement en toute tranquillité" et le nouveau projet de décret visant à améliorer la détection des fraudes aux CEE sont l’occasion de revenir sur une politique publique qui continue de monter progressivement en puissance pour enfin éradiquer la fraude dans le secteur de la rénovation énergétique.
Un volontarisme législatif et réglementaire croissant
A l’aune de la XVIème législature parlementaire élue ces prochaines semaines, le bilan de la XVème législature en matière de rénovation énergétique est positif :
• La loi Energie-Climat a permis de renforcer les contrôles dans le cadre du dispositif des CEE avec notamment un mécanisme de contrôle préalable au dépôt des demandes et des contrôles supplémentaires à l’égard des personnes déjà sanctionnées. Elle a également permis un cadre d’échange entre le PNCEE et plusieurs administrations (services de l’Etat chargés impôts, des douanes et droits indirects et de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes)
• La Loi interdisant le démarchage téléphonique dans les secteurs des travaux d’efficacité énergétique et des énergies renouvelables (EnR)
• La loi Climat-Résilience a étendu le cadre des échanges d’information avec le PNCEE à de nouvelles administrations (Police, Urssaf, Tracfin, Anah, …). Cette loi introduit également la mise en place lors de l’acquisition de CEE de dispositifs d'identification, d'évaluation et de gestion des risques permettant de détecter une fraude de la part du vendeur de CEE. Si cette procédure n’est pas mise en place ou alors de manière incomplète par la personne acquérant le CEE, le Ministre compétent pourra annuler les CEE acquis par cet acheteur. En parallèle, le cadre réglementaire a également été amélioré avec l’augmentation progressive et l’extension des taux de contrôles des opérations CEE ainsi que des taux de conformité des opérations avant dépôt.
Ce renforcement des contrôles dans le dispositif des CEE s’accompagne également d’une augmentation des budgets alloués aux contrôles sur site par le PNCEE : par exemple le budget des marchés publics pour ces contrôles par tierces personnes est passé de 1,1 millions d’euros en 2020 à 2,5 millions d’euros en 2021, et 6 à 8 millions d’euros en 2022 avec un nombre croissant de contrôles effectués .
Du rapport de TRACFIN à la récente campagne de communication de l’Anah: des fraudes toujours existantes
Le rapport TRACFIN publié à l’été dernier estime que les ajustements opérés en quatrième période du dispositif CEE semblent avoir porté leurs fruits avec un nombre de dossiers transmis quasiment divisé par deux. Cependant, les pratiques frauduleuses n’ont pas disparu : elles se sont déplacées du statut de délégataire à celui de mandataire avec la sous-traitance qui est à nouveau pointée du doigt. Les chiffres présentés lors de la journée technique CEE de décembre 2021 témoignent également de l’ampleur persistante de ce fléau : 1600 signalements depuis 2019 auprès du Pôle national des CEE et une moyenne de 3 signalements reçus par jour en 2021[2].
La campagne de l’Anah visant à sensibiliser les ménages aux bonnes pratiques en matière de projet de rénovation énergétique nous rappelle également que les fraudes persistent et ont différents visages. En effet, l’Anah met en exergue dans cette campagne qu’elle a « constaté certaines pratiques frauduleuses notamment l’usurpation d’identité des ménages, ou encore des défauts dans la réalisation des travaux ».
Un projet de décret pour renforcer la lutte contre la fraude aux CEE
Comme évoqué précédemment, la loi Climat-Résilience adoptée à l’été 2021 a renforcé le dispositif de lutte contre la fraude dans le cadre du dispositif des CEE. A la suite de la conclusion par le Conseil d’Etat précisant qu’aucune disposition du code de l’énergie n’habilitait le Ministre chargé de l’énergie à annuler des CEE litigieux sur le compte du dernier détenteur lorsque ces derniers ont été acquis de manière frauduleuse par un premier détenteur, la loi est venue combler ce manque. Ainsi, l’article 183 de la loi Climat résilience prévoit désormais qu’en l’absence de mise œuvre ou de mise en œuvre incomplète d’une procédure d’identification et de gestion des risques par un acquéreur de CEE permettant d’identifier les fraudes, le Ministre peut annuler les CEE sur son compte. Cependant, la définition des modalités de mise en place de « dispositifs d'identification, d'évaluation et de gestion des risques permettant de détecter une obtention frauduleuse » doivent être précisés par voie réglementaire et c’est tout l’enjeu du projet de décret actuellement en consultation prévu à cette fin[3]. Ce décret doit permettre de concilier meilleure détection de la fraude aux CEE avec la fluidité du marché des certificats inhérente au bon fonctionnement du premier dispositif d'aide à la rénovation énergétique.