Nouveau bouclier tarifaire : une réponse d’urgence sans solutions de long terme.

Mercredi dernier, la Première Ministre, Elisabeth Borne, a annoncé la prolongation du bouclier tarifaire dans un format amoindri ainsi qu’un dispositif complémentaire à destination des plus modestes[1]. A quelques jours de la présentation du projet de loi de finances pour 2023, il convient de s’interroger sur cette mesure et ses conséquences concrètes pour les particuliers mais également les finances publiques. Par ailleurs, les pansements conjoncturels nécessaires ne peuvent éternellement durer. Des réponses de long terme sont attendues désormais.

Nouveau bouclier tarifaire et chèque énergie exceptionnel : une réponse d’urgence couteuse

Dans un contexte où les prix du gaz et de l’électricité auraient dû augmenter de 120 %, le Gouvernement a choisi de maintenir un bouclier tarifaire pour tous les ménages afin de plafonner la hausse des tarifs réglementés de vente d’électricité (TRVE) et de gaz (TRVG) à 15%. Cela représentera une hausse mensuelle moyenne de 20 à 25 euros des factures concernées. A côté de ce bouclier, un chèque énergie exceptionnel de 100 à 200€ en fonction des revenus sera alloué à 12 millions de ménages[2]. Cette mesure vise les ménages des quatre premiers déciles qui correspondent plus ou moins aux ménages dits « très modestes » et « modestes » au sein de la catégorisation des aides de l’Agence nationale de l’habitat (Anah).

Par ailleurs, la note de ces mesures est particulièrement salée, puisque le Ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, Bruno Lemaire a indiqué devant la Commission des affaires économiques que le coût du bouclier en 2023 serait de 45 milliards d’euros bruts[4]. En ordre de grandeur, on est proche du budget 2022 du Ministère de la Transition écologique, qualifié « d’historique », avec quasiment 50 milliards d’euros[5]. Ce coût brut est composé de 11 milliards d’euros pour le plafonnement à 15% de la hausse du prix du gaz et 34 milliards d’euros pour le plafonnement à 15% de la hausse du prix de l’électricité. En coût net pour les finances publiques, cela représente 16 milliards d’euros grâce aux économies liées à la TICFE et au mécanisme "qui oblige les énergéticiens à reverser le montant de la rente qu'ils touchent au titre de la flambée de ces prix de l'énergie".

Une absence totale de signal prix pouvant nuire à l’accélération des rénovations énergétiques.

Si ces mesures, comme celles adoptées au cours de l’année 2022 se justifient par une crise très importante des prix de l’énergie avec un impact conséquent sur le pouvoir d’achat, il ne constitue en aucun cas une réponse structurelle à la nécessaire réduction de la consommation énergétique et des émissions de gaz à effet de serre du parc résidentiel. En effet, la quasi-absence de signal prix (+ 25€ par mois pour le gaz ; +20€ par mois pour l’électricité) n’invite pas forcément les ménages à considérer des travaux d’amélioration du logement pour réduire sa consommation. En effet, d’après une étude menée par l’IFOP pour Effy auprès de 1000 Français, seulement 10 % des interrogés envisagent de lancer des travaux de rénovation énergétique pour faire face à l’augmentation des prix de l’énergie liée à la crise énergétique. Les ménages, au contraire, semblent privilégier les gestes de court terme face à l’augmentation des prix de l’énergie (74 % des sondés baisseront le chauffage cet hiver et 64 % remanieront leur budget et renonceront à d’autres dépenses). Aujourd’hui, les ménages ne semblent pas suffisamment sensibilisés et incités par les pouvoirs publics à entreprendre ces travaux aux impacts positifs sur le climat, la souveraineté énergétique et leur pouvoir d’achat. La communication s’oriente aujourd’hui davantage sur la réduction des températures de chauffe qui peut s’avérer nécessaire que sur la rénovation énergétique du bâtiment qui est essentielle.

Un PLF 2023 qui doit inciter davantage aux rénovations les plus ambitieuses sans exclure

C’est dans ce contexte que s’inscrira le projet de loi de finances 2023 qui sera présenté lundi prochain. La presse a récemment annoncé que le Gouvernement prévoirait une augmentation du budget de MaPrimeRénov’ à hauteur de 2,6 milliards. Cela ne représente en réalité qu’une enveloppe supplémentaire de 200 millions d’euros. On est donc quasiment à budget constant quand il est nécessaire de renforcer notre ambition pour réellement créer un « changement d’échelle » et embarquer les ménages vers des rénovations plus ambitieuses parmi les 700 000 visées annuellement. Comparativement au budget dédié à la réponse de court terme que constitue le bouclier tarifaire prévu pour 2023, l’effort budgétaire apparaît comme dérisoire pour la rénovation énergétique des logements qui est la mesure de long terme à privilégier.

Par ailleurs, une évolution de la prime serait également en discussion afin d’orienter davantage les primes sur la rénovation globale et les aides aux ménages les plus modestes et moins sur les gestes[6]. C’est une orientation à saluer. Cependant, le budget constant de MaPrimeRénov’ en 2023 par rapport à 2022 induit une réduction importante des aides par poste de travaux. Si la rénovation énergétique globale à travers les forfaits « rénovation globale » et les bonus « sortie de passoire thermique » ainsi que « Bâtiment Basse Consommation » doit être renforcée pour inciter les ménages à privilégier des rénovations plus ambitieuses, les aides par poste de travaux ne doivent pas pour autant en pâtir. Cependant, il ne faut pas opposer les rénovations globales et les rénovations par étapes qui sont parfois plus accessibles car programmées dans le temps. Ces deux modalités de travaux d’efficacité énergétique sont au contraire complémentaires puisqu’elles permettent de répondre à la problématique climatique mais aussi énergétique du parc résidentiel en excluant aucun projet de travaux.