PLF 2024 : ou comment passer d’une fiscalité grise à une fiscalité verte

Le projet de loi de finances pour 2024 était présenté mercredi dernier en Conseil des ministres. Un texte particulièrement scruté du fait qu’il traduise sur le plan financier une série de mesures annoncées dans le cadre de la Planification écologique et énergétique. Décryptage.

Un budget inédit pour MaPrimeRénov…

Comme annoncé le 12 juillet dernier par la Première ministre, le PLF 2024 consacre un budget de 4 milliards d’euros pour MaPrimeRénov’. Un budget inédit, en hausse de 1,6 milliard d’euros par rapport à 2023, et dont l’objectif est clair : financer 200 000 rénovations performantes en 2024, ainsi que 500 000 rénovations grâce au pilier Efficacité.

Si la vocation d’un PLF n’est pas de détailler les modalités techniques d’une réforme de MaPrimeRénov’, l’exposé des motifs de l’article 50 fait plusieurs annonces. Côté pilier Efficacité, le projet de loi confirme l’exclusion des passoires thermiques des aides par geste et réaffirme son centrage « sur le remplacement des modes de chauffage carbonés ». Côté pilier Performance, le PLF 2024 détaille que les projets de rénovations performantes et globales devront induire « au moins deux sauts de classes du DPE ». Une ambition bien loin de l’objectif BBC – Bâtiment Basse Consommation – évoqué en juin lors de l’annonce de la réforme de MaPrimeRénov’.

… et un durcissement des mesures anti-fraudes

A la suite des récentes annonces du Gouvernement1, le PLF 2024 durcit la chasse aux éco-délinquants. D’une part, les mandataires MaPrimeRénov’ devront s’engager et fournir des garanties (financières, de compétences, de probité et de moyens appropriés) pour continuer à agir sous mandat des ménages. L’engagement phare sera la restitution des primes indûment perçues au nom des ménages. D’autre part, le projet de loi prévoit d’étendre aux dirigeants ou présidents de la personne morale sanctionnée la possibilité de rejeter toute nouvelle demande de prime pendant une durée maximale de 5 ans. Et ce afin d’éviter qu’un même dirigeant ne reproduise un même schéma frauduleux. 

Le passage d’une fiscalité avantageuse pour le fossile à une fiscalité verte ?

Comme évoqué par Bruno Le Maire lors de la présentation du texte devant la Commission des Finances du Sénat, le PLF 2024 doit permettre la décarbonation de notre pays. Le ministre de l’Economie et des Finances a ainsi appelé à « la conversion de notre fiscalité en passant d’une fiscalité avec des avantages pour les énergies fossiles à une fiscalité verte »2. Et pourtant… Après avoir connu un été mouvementé, la pression semble être retombée pour les chaudières à gaz. Alors que le président de la République a récemment annoncé qu’elles ne seraient pas interdites, le projet de loi de finances pour 2024 ne prévoit pas en l’état de supprimer leur avantage fiscal d’une TVA réduite à 5,5%.

En parallèle, et malgré une deuxième année consécutive de hausse des prix de l’énergie, le Gouvernement ne se saisit pas du projet de loi de finances pour accélérer le développement de l’autoconsommation solaire résidentielle. Alors que les leviers d’incitations seraient nombreux (TVA, taxe foncière, éco-PTZ…), le PLF 2024 ne contient aucune mesure d’incitation à l’autoconsommation. Aussi, alors que ce budget a pour objectif de « verdir » notre fiscalité, comment justifier que les chaudières à gaz puissent continuer à bénéficier d’une TVA à taux réduit à 5,5% quand le taux applicable aux installations photovoltaïques résidentielles varie entre 10 et 20% ?

Un abaissement de la fiscalité applicable à l’autoconsommation résidentielle s’inscrirait pourtant dans la volonté du Gouvernement de limiter la hausse des TRVE prévue au 1er février 2024 en incitant les ménages à autoproduire pour réduire leur facture d’électricité. Une mesure bien plus pérenne que la prolongation temporaire du bouclier tarifaire sur l’électricité, prévue à l’article 52 du PLF, et dont le manque à gagner pour l’Etat pourrait être compensé par un relèvement du taux de TVA applicable aux chaudières à gaz. Espérons que l’examen du texte, qui débute ce jeudi à l’Assemblée nationale, permettra de parachever le passage à une fiscalité verte en consacrant le rôle essentiel de l’autoconsommation.





[1] La ministre de la Transition énergétique et le ministre délégué aux Comptes Publics ont annoncé le 21 septembre 2023 la mise en place d’une cellule dédiée pour lutter contre la fraude organisée à MaPrimeRénov’.
[2] Sénat, Budget 2024 : audition des ministres Bruno Le Maire et Thomas Cazenave, 27 septembre 2023.

Victor Breheret

Chargé des Affaires Publiques chez Effy

Chaque semaine je décrypte à chaud l'activité législative au Parlement, les évolutions réglementaires d'aujourd'hui et de demain mais aussi les tendances politiques autour de la rénovation énergétique et l'autoconsommation solaire résidentielle.