Rapport annuel du Haut Conseil pour le Climat : accélérer la décarbonation des bâtiments
Le rendez-vous annuel donné par le Haut-Conseil pour le Climat depuis, est toujours attendu. Après le bilan demi-teinte dressé en 2021 pour le bâtiment, le millésime 2022[1] appelle à une accélération et un meilleur ciblage des politiques publiques relatives à l’efficacité énergétique dans le bâtiment qui constitue 18 % des émission nationales de GES dont 11,5% pour le seul résidentiel. Le message du Haut-Conseil est clair : Accélérer la décarbonation pour tenir les objectifs.
Une décarbonation du bâtiment au ralenti : la nécessaire accélération
Le Haut-Conseil se fait écho de la récente publication du CITEPA avec le constat d’une baisse des émissions de Co2 en 2020 du fait de la crise sanitaire ainsi que d’un hiver doux et des émissions de GES du secteur du bâtiment reparties à la hausse en 2021 avec une augmentation de 5,5% (niveau proche de 2019). Cependant, d’un point de vue consommation énergétique, le rapport indique que « la prise en compte des corrections des variations climatiques met en évidence une consommation d’énergie du secteur du bâtiment relativement stable entre 2020 et 2021 pour atteindre 64,8 Mtep. Aux côtés de la baisse du chauffage au fioul, de la stabilité de l’électricité et du gaz, il est mis en exergue que la consommation finale d’énergie renouvelable a un rythme de croissance annuel moyen de 3,3% depuis 2011 (+5,2% entre 2020 et 2021).
Dans un contexte où la trajectoire de la SNBC n°2 pour le secteur des bâtiments prévoit une accélération du rythme de réduction des émissions de GES, le Haut Conseil appelle donc « à la décarbonation et la sobriété, en accompagnant ménages et professionnels dans un esprit de transition juste ».
Aller vers des rénovations plus performantes et améliorer de la lutte contre la précarité énergétique
Dans la continuité de l’audit flash de la Cour des comptes sur MaPrimeRénov’[2], le Haut Conseil pointe l’absence de dynamique de la rénovation performante malgré un effort financier au rendez-vous, notamment grâce aux crédits du Plan de Relance. Ce rapport estime que MaPrimeRénov’ favorise les rénovations partielles et non les rénovations performantes au sens de la loi Climat-Résilience[2]. Si l’on ne peut que regretter, à l’image de ces deux institutions que les rénovations globales ne décollent pas il ne faudrait pas pour autant opposer parcours de rénovation par gestes permettant d’aboutir à une rénovation performante avec les rénovations performantes réalisées en une seule étape. Ces deux modalités de travaux d’efficacité énergétique sont au contraire complémentaires puisqu’elles permettent de répondre par deux méthodes différentes à la problématique climatique mais aussi énergétique du parc résidentiel.
Afin d’inciter les ménages à effectuer des rénovations performantes, il faut que les aides puissent être incitatives car le montant de ces travaux sont bien plus importants. Dans un contexte d’atonie du marché des CEE, alors que s’est ouverte le cumul du dispositif d’aides aux rénovation globales pour les plus modestes (MaPrimeRénov’ Sérénité), on peut effectivement s’interroger. Aujourd’hui les primes issues des CEE baissent et les reste-à-charge augmentent dans un contexte d’envolée des prix de l’énergie. Cela appelle donc à un renforcement de l’accompagnement des ménages en situation de précarité énergétique et à une éradication des passoires thermiques comme le préconise le Haut-Conseil.
Les moyens : Visibilité sur les aides, Formation et Résultats
Dans ses principaux constats, le Haut Conseil estime que l’absence de pérennisation des financements publics à la rénovation énergétique des logements au-delà de 2022 ne garantit pas le déploiement « d’ un programme ambitieux et pérenne ». En effet, les crédits de MaPrimeRénov’ sont prévus annuellement en vertu du principe d’annualité des finances publiques. Suite à l'adoption de la dernière loi de finances, le budget 2022 alloué à MaPrimeRénov' est de 2 milliards d'euros. Cependant, ce besoin de planification des aides sur le temps long doit aussi concerner les aides privées notamment la principale aide à la rénovation énergétique : les CEE ! La future loi de programmation énergie-climat (LPEC) qui sera adoptée en 2023 devrait permettre cette visibilité voire pérennisation à plus long terme.
Cette loi de programmation sera essentielle car elle pourrait notamment permettre de mieux accompagner dans le temps les propriétaires bailleurs à l’aune des futures interdictions de location des logements les plus énergivores. Le Haut Conseil semble également s’inquiéter de la situation puisqu’il estime que les dispositifs actuels ne sont pas suffisants alors que la non-éradication des passoires thermiques et le retrait de logements du marché locatif sont deux risques bien réels.
Par ailleurs, le Haut-Conseil préconise la « structuration et le développement des filières, ainsi que la montée en compétence des professionnels » pour être à l’échelle du besoin d’accompagnement et d’accélération des rénovations énergétiques performantes. Cette nécessité est à notre sens concomitante de celle du renforcement pérenne des dispositifs d’aides. En effet, les fluctuations actuelles des primes CEE, particulièrement sur l’isolation entraînent des conséquences sur de nombreuses entreprises qui ne seront pas forcément en capacité de répondre à la demande de rénovation énergétique quand le marché se développera. Des aides sécurisées dans le temps et lisibles c’est un préalable au développement de la filière. Enfin, le Haut Conseil préconise de conditionner les aides à la rénovation énergétique à une exigence de résultats (obligation de performance énergétique).