Rapport annuel du Haut Conseil pour le Climat : un bilan en demi-teinte pour le bâtiment.

Sommaire

Le Haut Conseil pour le Climat a rendu public la semaine dernière son rapport annuel qui fait le bilan de la trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) de la France. Le secteur du bâtiment représentant 17% des émissions nationales de gaz à effet de serre (GES) en 2019 est en progrès. Cependant, certaines options retenues pourraient fragiliser la mise en œuvre des objectifs de la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC).


Quels bilans et quelles perspectives ?

Réduction des émissions de GES mais dépassement du premier budget carbone.

Le secteur du bâtiment a connu une baisse de 6,8% de ses émissions entre 2015 et 2018 et une nouvelle baisse de 3,4% entre 2018 et 2019. Cette dernière diminution est plus importante dans le résidentiel que dans le tertiaire. Cette tendance baissière liée à la diminution de l'intensité carbone des énergies de chauffage utilisées et à l’amélioration de la performance thermique des bâtiments s’explique par plusieurs éléments : les rénovations énergétiques, les performances des nouvelles constructions et le recul du fioul domestique au profit de systèmes de chauffage moins carbonés. Ainsi, la consommation d’énergie du bâtiment par surface a diminué de 4% entre 2015 et 2018 quand le contenu carbone de l'énergie a baissé de 7,9% sur la même période.

Même si sur cette période la France fait mieux que la moyenne européenne pour le secteur du bâtiment, ces résultats sont en deçà des objectifs du premier budget carbone. En effet, entre 2015 et 2018, le budget carbone fixé à 316 Mt eq. Co2 a été dépassé de 11 Mt eq Co2, soit 4% de plus que l’objectif assigné. Au regard de la trajectoire plus exigeante de la SNBC pour les prochaines années, le Haut-Conseil conclut à une nécessaire accélération de la réduction des émissions de GES du secteur.

Une mise en œuvre de la SNBC contrastée

Bien que les politiques publiques mises en œuvre ces dernières années en matière de rénovation et d’efficacité énergétique du bâtiment ont constitué de réelles évolutions structurelles, le Haut Conseil estime que certaines orientations retenues pourraient fragiliser la mise en œuvre de la SNBC sur le long terme. L’organisme indépendant évoque tout d’abord le report de l’interdiction de l’installation de nouvelles chaudières fonctionnant au fioul et indique souhaiter sa mise en oeuvre pour faciliter la décarbonation totale des systèmes de chauffage. En effet, ce report est très regrettable en termes climatiques mais également vis-à-vis du pouvoir d’achat des citoyens et il est nécessaire que celle-ci ne soit pas reportée une nouvelle fois !

La réforme ayant aboutie au nouveau DPE est également pointée du doigt par le Haut Conseil qui émet plusieurs réserves. La première concerne les seuils énergétiques retenus pour les étiquettes A&B, situés en dessous des seuils réglementaires du niveau Bâtiment Basse Consommation (BBC). Effinergie, association porteuse du label, a récemment présenté le nouveau label BBC qui conserverait le seuil de consommation énergétique à 80 kWh.ep/m2/an. Il devrait donc y avoir une déconnection entre la classe B et le niveau BBC. Par ailleurs, le rapport estime que la sortie de 600 000 logements fonctionnant à l’électricité de la catégorie de passoires thermiques aurait pour effet de diminuer les aides à des publics toujours en situation de précarité énergétique.

Le rapport aborde également le sujet de l’investissement dans la rénovation énergétique. Selon le Haut Conseil, 24 milliards d’euros d’investissements publics et privés seront nécessaires dans quelques années pour atteindre les objectifs de la SNBC, quand ils  sont estimés aujourd’hui à 15 milliards d’euros. Le sujet de la continuité du niveau de financement actuel de la rénovation énergétique sera indubitablement clef lors du projet de loi de finances, qui sera examiné à l’automne prochain.

Des orientations au niveau national et européen

L’organisme indépendant estime que le plan de relance doit optimiser l’efficience de la dépense publique en ciblant les rénovations performantes, complètes et compatibles BBC et en développant des solutions financières globales permettant la rénovation pour tous. Selon une étude réalisée par le Ministère de la Transition écologique, la définition de la rénovation énergétique performante introduite à l’Assemblée nationale permettrait d'approcher voire d'accomplir les objectifs de la SNBC à horizon 2050. Il est essentiel d’encourager les rénovations compatibles avec nos objectifs climatiques tout comme de permettre à chacun d’y aboutir, en une fois ou par étapes. Les rénovations énergétiques par étapes étalées dans le temps sont possibles et parfois davantage accessibles. Sur le volet financier, il est essentiel d’améliorer l’existant (Eco-ptz) et de disposer de nouveaux dispositifs. La garantie du prêt avance mutation et l’avènement prochain de l’ « AccompagnateurRénov », actuellement en discussion, devront contribuer à ce défi.

Sur le plan intersectoriel, le Haut-Conseil souhaite réintroduire une taxe carbone avec la mise en place de prérequis. Si la première option est nationale, la seconde est européenne avec l’élargissement du marché carbone européen, notamment au secteur du bâtiment. Ce sujet est actuellement en cours de discussion au niveau européen et les modalités sont encore inconnues. Si cette mesure devait aboutir, cela ne sera pas sans conséquence en matière d’accélération de la transition énergétique et climatique de notre parc de bâtiments, et plus particulièrement nos logements.

Alexandre Fernandez

Responsable des Affaires Publiques