Gaz vert : “L’hydrogène est l’avenir de la combustion”
[INTERVIEW] Faut-il miser sur le gaz vert comme énergie d’avenir ? Alors que les prix du gaz naturel côtoient les sommets, le gaz vert pourrait être une bonne alternative. Pour savoir concrètement ce qu’est le gaz vert, nous avons rencontré Marc Trela, directeur marketing produit Bosch elm.leblanc à l’occasion du Mondial du Bâtiment. L’occasion de nous dire comment la marque adapte ses produits.
Marc Trela, directeur marketing produit Bosch elm.leblanc, nous explique ce qu'est le gaz vert et comment Bosch s'adapte à ces nouvelles énergies. ©Mariana Gonçalves
Effy : Qu’est-ce que le gaz vert et quelles sont les différences avec le gaz naturel ?
Marc Trela : Par gaz vert, il faut entendre deux types de gaz : le biométhane et l’hydrogène.
Le gaz naturel présent dans le réseau est un gaz d’origine fossile. Il est exploité à l’étranger et est acheminé via des gazoducs ou des méthaniers. Il se compose essentiellement de méthane (CH4) qui est brûlé dans les appareils.
Le biométhane a la même composition chimique que le gaz naturel. La différence est qu’il est produit dans des méthaniseurs à partir de la digestion de déchets ou de produits agricoles non valorisés. Ce sont les gros silos avec un dôme arrondi que l’on voit dans nos campagnes. A l’intérieur, les déchets agricoles sont digérés par des bactéries de façon anaérobique. En les privant d’oxygène, les bactéries créent du méthane qui est capté et que GRDF injecte ensuite dans le réseau.
L’hydrogène a quant à lui, un autre procédé de fabrication. L’objectif de ce gaz est de disposer d’un gaz qui peut être brûlé, qui dégage de la chaleur en brûlant, et qui peut être canalisé et utilisé dans les appareils. Il se compose principalement de molécules d’eau (H2O). La molécule est coupée, l’hydrogène est conservé, puis canalisé, stocké et distribué de 2 façons :
- il est injecté dans le réseau existant : le méthane circule et de l’hydrogène est ajouté ;
- dans le futur, avec des réseaux qui ne distribuent que de l’hydrogène.
On utilise donc du biométhane sans le savoir ?
Oui, le biométhane est déjà présent dans le réseau français. Sa part était relativement restreinte jusqu’à fin 2021 (de l’ordre de 1%), mais elle augmente rapidement. C’est d’ailleurs l’énergie renouvelable qui a le plus fort taux de croissance en France. En ce moment, elle se développe en particulier du fait des contraintes géopolitiques sur le gaz, des prix du gaz naturel qui s’envolent, et du fait que le biométhane constitue un complément de revenus pour les agriculteurs.
Le biométhane est une bonne illustration de l’économie circulaire et de la valorisation des déchets.
Au-delà de ça, cette nouvelle ressource a une empreinte carbone 5 fois moins importante que le gaz naturel, et c’est une source d’énergie mature fabriquée en France sur laquelle on est souverain sur sa production.
Est-il possible de souscrire à une offre 100% biométhane ?
Oui, un particulier peut souscrire à des offres dans lesquelles on leur garantit que leur consommation de gaz est intégralement compensée par des productions de biométhane. Ce sont des options présentes dans les abonnements de certains énergéticiens.
Le biométhane est-il compatible avec vos appareils ?
Oui, tous nos appareils, en parc ou nouvellement construits, sont compatibles à 100% avec le biométhane.
La filière gazière a lancé la mention “gaz vert”. Est-ce qu’en tant que fabricant, vous allez apposer cette mention sur vos produits ?
Bien sûr, sur nos nouveaux appareils, nous avons même mis un QR code avec la mention “gaz vert”, qui renvoie vers une page expliquant ce qu’est le biométhane, mais aussi les énergéticiens qui proposent des offres spéciales.
L’objectif est que cette mention soit relayée de plusieurs manières. GRDF, les fabricants, les installateurs et les services après vente ont tous une campagne de promotion. Chacun sensibilise le client qui appréhende depuis très récemment ce sujet, à sa manière.
Est-ce qu’il y a une différence de prix entre le gaz vert et le gaz naturel ?
Le prix dépend du prix du gaz naturel. Jusqu’au début de l’année, des subventions portaient le biométhane. Aujourd’hui, avec les prix du gaz naturel qui s’envolent, produire du biométhane devient rentable. En revanche, c’est une production qui prend du temps et qui se planifie : elle nécessite de créer des infrastructures, les agriculteurs doivent faire des business plan sur de longues durées, et ils doivent lever des fonds. C’est pour ça que la capacité de production ne peut pas être développée du jour au lendemain.
Existe-t-il des différences en termes de consommation ?
Le biométhane permet de consommer moins de gaz naturel, de réduire les importations d’énergie, de réduire l’empreinte carbone des particuliers, et surtout, de moins dépendre des pays extérieurs. Il est très vertueux de ce point de vue-là.
Au niveau de l’appareil, la consommation de gaz n’est pas modifiée par le biométhane qui a les mêmes caractéristiques physiques. Pour l’hydrogène, ça dépend de la méthode de production.
De quoi dépend le déploiement de l’hydrogène ?
Il est lié à 2 choses :
- la partie production : l’objectif est de consommer un hydrogène vert. Tant qu’on n’a pas suffisamment de capacité de production d’électricité renouvelable, on se repose sur des sources carbonées pour la fabrication de l’hydrogène, ce qui n’est pas vertueux. Aujourd’hui, l’hydrogène est très largement d’origine fossile. Le déploiement de l’hydrogène doit donc être conjoint avec le déploiement des énergies renouvelables ;
- la notion des usages de l’hydrogène : on estime que le résidentiel doit se développer autour de l’infrastructure hydrogène qui est en train de se déployer depuis l’Espagne jusqu’au reste de l’Europe.
L’hydrogène est-il compatible avec les appareils existants ?
Oui, pour l’hydrogène en mélange. Nos appareils existants peuvent sans difficulté admettre jusqu’à 6% d’hydrogène dans le gaz naturel, les neufs peuvent même aller jusqu’à 20%. Au-delà, nous sommes face à une limite physique : la nature de l’hydrogène cause des difficultés dans la combustion du gaz au-delà de 20%. Pour détecter la flamme et piloter la combustion, on doit donc changer des composants.
Est-ce qu’il existe des offres sur l’hydrogène ?
Non, il n’y a pas d’offre commerciale avec l’hydrogène. On envisage le déploiement de nos produits à partir de 2025, mais c’est un ordre d’idées puisque les pouvoirs publics ne donnent pas d’échéancier clair.
Sur quelles solutions de gaz vert Bosch est-il en train de travailler ?
On propose la chaudière H2-ready, c’est un appareil mixte instantané capable de fonctionner avec du méthane, du biométhane, de l’hydrogène jusqu’à 20% et qui peut même aller jusqu’à 100% en utilisant un kit d’adaptation. Le jour où on aura plus de certitudes sur le déploiement de l’hydrogène en France, on devra adapter toute notre gamme de produits pour répondre à cette capacité d’adaptation.
On se concentre aussi sur une pompe à chaleur air-eau monobloc et module intérieur hybride Condens AW, qui correspond à 80% environ de ce qu’on fabrique et vend. La particularité de cet équipement est qu’il stocke de l’électricité intermittente en été sous forme de chaleur dans le ballon d’eau chaude, et qu’il efface la consommation électrique en hiver. On peut rapprocher ce système du système d’heures pleines et heures creuses pour les chauffe-eaux. La différence est qu’avec l’hybride, on ne perd pas en confort puisque la chaudière prend le relais et fournit le besoin.
L’hydrogène est-il l’avenir ?
Pour nous, c’est l’avenir de la technologie de la combustion. Mais le groupe Bosch ne mise pas que sur l’hydrogène, il investit aussi largement dans des technologies d’électrification. On mise à la fois sur la combustion avec l’avenir de l’hydrogène, et l’électrification avec la climatisation réversible et les pompes à chaleur air-eau et hybrides, qui font le lien entre les deux et permettent d’éviter le délestage en hiver.