Des résultats insuffisants et des perspectives inquiétantes pour la rénovation énergétique des plus modestes ?
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Il y a quelques jours, la Fondation Abbé Pierre a présenté son rapport annuel sur l’état du mal logement en France, et l’Observatoire National de la Précarité Energétique (ONPE) a publié le tableau de bord de la précarité énergétique au second semestre 2021.
Composante du mal logement, la précarité énergétique est encore et toujours un immense défi à relever comme en témoignent les récents indicateurs. Malgré une dynamique réelle des travaux de rénovations énergétique, le compte n'y est toujours pas, d’autant plus que les récentes décisions pourraient marquer une véritable régression du soutien financier aux plus modestes.
La précarité énergétique : un fléau qui peine à reculer malgré une récente baisse
5,6 millions de ménages seraient toujours situation de précarité énergétique en France[1] . Selon la Fondation Abbé Pierre, « le noyau dur de la précarité énergétique, composé des ménages modestes ayant eu froid pour des raisons liées à la précarité s’élève à 3 558 000 personnes »[2].
Constat identique dans le tableau de bord de la précarité énergétique au second semestre 2021, même si le document de l’ONPE met en exergue une baisse de l’indicateur du taux d’effort énergétique en 2020. En 2020, ce sont 10,5 % des Français qui ont dépensé plus de 8 % de leurs revenus pour payer les factures énergétiques de leur logement tout en faisant partie des plus modestes, alors qu’ils étaient 11,9% en 2019.
Une dynamique de la rénovation énergétique encore insuffisante pour résorber la précarité énergétique
Rénovation énergétique et bien-être sont corrélés. En effet, parmi les ménages ayant eu froid pendant au moins 24 heures pendant l’hiver 2020-2021, 4 sur 10 estiment que la cause est la mauvaise isolation du logement[3].
Comme le rappelle le rapport de la Fondation Abbé Pierre, ces dernières années ont été marquées par un « décollage de la rénovation énergétique », notamment sous l’effet de MaPrimeRénov’, cependant la proportion de rénovations globales et de niveau de reste-à-payer pour les plus modestes ne sont pas suffisants.
Par exemple, le programme Habiter Mieux Sérénité, qui permet de financer des rénovations atteignant au moins 35% d’économies d’énergie après-travaux, évolue peu depuis 2 ans. Levier de travaux de rénovation énergétique ambitieux auprès des ménages exclusivement modestes, ce programme a permis la rénovation d’environ 41 000 logements en 2019, 52 000 en 2020 et 45 000 en 2021. Ainsi, la réforme de cette aide désormais dénommée « MaPrimeRénov’ Sérénité » avec le cumul des aides CEE au 1er juillet prochain, constitue un enjeu important.
Côté MaPrimeRénov’, la dynamique est au rendez-vous, notamment pour les ménages modestes et très modestes qui représentent 68% des dossiers. Cependant, les reste-à-charge semblent en moyenne encore élevés. En effet, le cumul des aides MaPrimeRénov’ et primes CEE permet un reste-à-charge de 10% du coût des travaux pour les très modestes et 25% des travaux pour les modestes. Mais selon les chiffres de France Stratégie[4] relayés par le rapport de la Fondation Abbé Pierre, le reste à charge moyen est de 39% des travaux pour les très modestes et 56% pour les ménages modestes. C'est en ce sens que la Fondation propose notamment le financement intégral des rénovations complètes des plus modestes[5]. Par ailleurs, le rapport pointe également une insuffisance du financement par MaPrimeRénov’ des rénovations performantes au profit de mono-gestes.
Dans un contexte où les perspectives 2022 sont alarmantes
Ce bilant de la Fondation Abbé Pierre s'inscrit notamment dans un contexte où les aides à la rénovation énergétique en faveur des plus modestes baissent.
Si le budget et les forfaits de MaPrimeRénov’ en 2022 sont au rendez-vous malgré un périmètre recentré sur les logements d’au moins 15 ans (au lieu de 2 ans), le mouvement des primes CEE sont alarmantes. Une baisse des primes CEE signifie en réalité une diminution des aides totales et donc un reste-à-payer plus élevé pour les ménages.
Comme le met en exergue le récent communiqué de l’Initiative Rénovons!, dont est Effy est membre, les primes CEE pour les ménages les plus précaires sont divisées par 3. En effet, cette baisse des primes est causée par une baisse de 30 à 40% du prix des CEE précarité depuis un an (dédiés aux travaux chez les ménages très modestes) et par la suppression de la bonification permettant de multiplier par 2 les primes des ménages en situation de précarité énergétique.
Dans un contexte où la précarité énergétique peine à diminuer et où les prix de l’énergie s’envolent, il est nécessaire de renforcer, ou à défaut préserver le niveau de financement des travaux de rénovation énergétique chez ces ménages prioritaires. Dès lors, il y a deux solutions à court terme : l’augmentation de 50% de l’obligation CEE dédiée à la précarité, comme demandé par l’Initiative Rénovons ! ou le rehaussement des forfaits MaPrimeRénov’ pour les ménages très modestes.
Si la décennie précédente a été marquée par les difficultés à faire reculer la précarité énergétique, il ne faudrait pas que 2022 viennent accroître ce fléau qui affecte le quotidien de millions de personnes.
[1] Observatoire National de la Précarité Energétique : estimation de 5,6 millions de ménages est obtenue en additionnant les populations en précarité énergétique (liée au logement) suivant trois indicateurs dont le taux d’effort énergétique supérieur à 10 % réduit aux trois premiers déciles
[2]https://www.fondation-abbe-pierre.fr/documents/pdf/reml2022_web.pdf [3]https://www.energie-mediateur.fr/selon-le-dernier-barometre-energie-info-les-francais-sont-de-plus-en-plus-preoccupes-par-lenergie/
[3] https://www.energie-mediateur.fr/selon-le-dernier-barometre-energie-info-les-francais-sont-de-plus-en-plus-preoccupes-par-lenergie/
[4]https://www.strategie.gouv.fr/publications/rentabilite-economique-renovations-energetiques-logements
[5]https://www.fondation-abbe-pierre.fr/documents/pdf/reml2022_web.pdf