COP26 : “La transition énergétique ne sera une réussite que si les acteurs de l’énergie y trouvent leur compte”
La transition énergétique est au coeur des préoccupations des dirigeants présents en ce moment même à la COP26 à Glasgow. Développement des énergies renouvelables, impact sur le budget des Français… Pour en savoir plus sur les enjeux, nous avons rencontré Arthur Jouannic, directeur du bureau français de Delta-EE, cabinet européen spécialisé dans la transition énergétique.
Effy : Delta-EE est un cabinet européen de recherche et de conseil spécialisé dans la transition énergétique. Comment se matérialise cette expertise ?
Arthur Jouannic : L’activité principale de Delta-EE est de créer des études de marché sur une quinzaine de sujets clés de la transition énergétique en Europe. Chaque sujet a sa propre équipe d’analystes qui produit des bases de données de ventes de produits, de prévisions de marché, d’analyse du contexte réglementaire, de veille concurrentielle etc. Chaque mois, une trentaine d’études sont partagées sur ces sujets.
En parallèle, nous faisons des enquêtes auprès des consommateurs pour comprendre quelles sont leurs attentes. Nos clients s’abonnent à nos contenus et reçoivent les données mises à jour, les nouvelles analyses et peuvent faire appel à nos analystes pour des questions complémentaires.
Enfin, nous proposons une activité de conseil auprès d’entreprises du secteur. On utilise nos connaissances de marché pour les questions spécifiques de stratégie ou le développement de roadmap.
La COP26 vient de débuter à Glasgow. Que peut-on en espérer ?
On se demande ce que cette COP va changer par rapport aux éditions précédentes. Selon moi, la grande question est de savoir quel sera l’impact médiatique de cet événement, et si les Etats feront plus que de simples promesses. Beaucoup de promesses sont faites à chaque événement, mais il faudrait savoir ce qui est mis en place concrètement ensuite.
Ce n’est pas tant la COP26 qui a un intérêt, mais ce qu’il se passe ensuite.
La transition énergétique ne va accélérer que si les entreprises du secteur peuvent être rentables et y trouver un bénéfice. Pour cela, des mécanismes doivent être mis en place pour que ces entreprises de la transition énergétique aient une croissance forte et fassent des offres intéressantes au consommateur final.
Est-ce que les énergies renouvelables peuvent suffire à subvenir aux besoins de la population mondiale ?
Une heure d’énergie solaire suffirait à couvrir les besoins de la planète selon les dirigeants. Une coalition comme celle annoncée peut être intéressante pour se mettre d’accord sur la production de panneaux solaires, la distribution, la façon de les utiliser, les différences de tarifs selon leur lieu de production. Est-ce que les énergies renouvelables vont suffire ? Cela dépendra de là où on se trouve. Le principal problème de l’énergie renouvelable est qu’elle est très localisée. Il est donc très compliqué de l’étendre au monde entier.
Selon nous, le futur serait d’opter pour un système électrique décentralisé avec une adaptation locale de la production énergétique.
Certains endroits sont plus exposés au vent et d’autres au soleil. La clé est de savoir s’adapter et de contrôler davantage la demande. Des solutions existent et ne cessent de se développer. Il faut se focaliser dessus pour aider les renouvelables à progresser.
Quelles sont ces solutions ?
Il y a d’abord des mécanismes de flexibilité. Si la production solaire est trop élevée par rapport à la demande, il est possible de piloter la demande pour stocker de l’énergie dans des ballons d’eau chaude ou d’autres systèmes de stockage thermique ou électrique.
À l’inverse, s’il n’y a pas assez de vent ou de soleil, il serait possible de réduire la consommation sans impacter le confort utilisateur. Ainsi, le rechargement électrique d’une voiture pourrait être décalé dans la nuit, lorsque la demande énergétique du pays sera plus faible.
C’est ce genre de solutions qui sont développées à l’heure actuelle. Elles ont besoin d’être développées à plus grande échelle pour aider au déploiement des renouvelables.
Quelles conséquences tarifaires et environnementales peut-on envisager pour les Français ?
À l’heure actuelle, on est dépendant de certains Etats qui exportent du gaz. Si dans le futur, on gagne en indépendance énergétique, avec davantage de production locale, on pourra alors contrôler le prix de l’énergie.
Mais tout tend à dire que les prix de l’énergie vont continuer leur ascension : la subvention du développement des énergies renouvelables passe par une augmentation des prix. L’enjeu n’est donc pas d’augmenter les factures, mais de mieux gérer la consommation.
L’autre point est que l’on constate une électrification mondiale des usages notamment avec l’essor des voitures électriques et l’installation de pompes à chaleur. Comment gérer cette augmentation des besoins en électricité par rapport à un coût qui pourrait croître ? Les solutions de gestion de l’énergie, de la demande, de la sobriété énergétique entrent toutes en compte.
Le rapport du RTE, publié le 25 octobre dernier, évoque une hausse de 35% de la consommation d’électricité d’ici 2050. Six scénarios ont été dévoilés pour atteindre la neutralité carbone. Quels sont les plus crédibles ?
Retenir un scénario hybride avec beaucoup de renouvelable et du nucléaire piloté, serait la solution la plus pertinente selon moi. L’accélération de la consommation électrique sera ainsi produite grâce aux énergies renouvelables, dont le coût devrait diminuer et le nombre d’installations solaires augmenter.
Pensez-vous que les mesures prises soient suffisantes pour limiter le réchauffement climatique de 1,5 degrés ?
Pour accélérer la transition énergétique, il faut qu’il y ait des solutions mondiales, et pas seulement locales. On est très loin des objectifs fixés, mais ça ne veut pas dire que ça n’est pas faisable. On espère que ce genre de rapport et d'évènement aident les décideurs à mettre la transition énergétique au coeur de tout, et pas seulement dans certaines lignes de leurs lois.
Selon nous, la transition énergétique ne sera une réussite que si les acteurs de l’énergie et les industriels y trouvent leur compte. Pour que les pétroliers investissent davantage dans les renouvelables, cette solution doit être plus rentable que de creuser des puits de pétrole. Pour cela, il faut mettre en place des mécanismes pour les inciter. Quand tout le monde sera aligné et se battra pour la transition énergétique et les énergies renouvelables, on aura tout gagné.
Comment se situe la France par rapport à ses voisins européens dans le secteur des renouvelables ?
En termes de production, on est un peu à la traîne car on a un parc nucléaire important. En revanche, la France a un important coeur d’innovation sur la transition énergétique, avec beaucoup de start up et d’industriels engagés à innover pour optimiser l’utilisation des renouvelables. Sur ce point, on est l’un des pays les plus en avance en Europe. On a un important parc de pompes à chaleur - sûrement le plus gros en Europe -, on est l’un des pays les plus avancés en termes de voitures électriques et d’infrastructures de recharge… On a de gros atouts par rapport à d’autres pays.
Les Français sont-ils prêts à passer aux énergies renouvelables ?
Ils sont prêts. La question est de savoir ce qui peut être mis en place pour les aider à utiliser au mieux les énergies renouvelables. On voit qu’il y a de plus en plus de pompes à chaleur sont installées. Il faut optimiser les mécanismes mis en place par l’Etat comme MaPrimeRénov’ pour le déploiement de ces solutions de chauffage, mais aussi former les professionnels du secteur pour qu’ils accompagnent encore mieux les particuliers.