Décarbonation du logement : renforcer l’accompagnement pour des rénovations plus ambitieuses

Comme le met en exergue le second tome du dernier rapport du GIEC, la rénovation énergétique est un levier majeur de réduction de nos émissions de gaz à effet de serre. C’est notamment, à l’aune de ce contexte, que l’Observatoire de la Rénovation Energétique a publié la semaine dernière les résultats de l’enquête TREMI en matière de réductions théoriques des émissions de gaz à effet de serre liées aux rénovations énergétiques réalisées entre 2017 et 2019[1]. Ce document qui étudie notamment les gestes de rénovation et les typologies de bâtiments concernés est d’autant plus intéressant à l’aune du débat sur les éventuelles évolutions à venir pour MaPrimeRénov’[2].

Prépondérance des changements de système de chauffage dans les économies de gaz à effet de serre.

Selon le document de l’Observation de la Rénovation Energétique, 3,4 millions de gestes de rénovation terminés en 2019, réalisés par 2,2 millions de ménages auraient généré des réductions d’émissions associées équivalentes à 2,1 millions de tonnes de CO2 par an.

Selon les résultats de l’enquête, le changement de système de chauffage est le geste qui a permis la plus grande réduction des émissions de gaz à effet de serre : « les ménages ayant effectué un ou plusieurs gestes de rénovation sur leurs systèmes de chauffage en 2019 ont économisé au total 1,4 million de tonnes d'équivalent CO2 ». Ainsi le changement de système de chauffage concentre 2/3 des réductions des émissions de gaz à effet de serre associées aux rénovations énergétiques en 2019. Cette contribution très importante s’explique notamment par des émissions moyennes par geste qui sont d’un peu moins de 2500 kgCo2 pour le chauffage, loin devant les autres gestes de rénovation énergétique. En effet, l’isolation des murs arrivent en second avec une réduction moyenne d’un peu plus de 500 kgCo2 rapportée au geste de travaux.

Parmi les systèmes de chauffage, la pompe à chaleur permettrait la plus grande économie de gaz à effet de serre et « contribuerait à 42 % de la baisse des émissions de CO2 liées au remplacement ou à l’installation d‘un système de chauffage ». Cependant, la réduction moyenne serait encore plus conséquente pour l’installation d’un système hybride (chauffage et ECS) avec 7 900 kgCO2 par geste. L’étude estime également que les installations d’appareils fonctionnant à l’électricité (188 000 logements) auraient générées 50 % des réductions de gaz à effet de serre des travaux de chauffage, « essentiellement concentrées sur les bascules fioul-électricité ».

De l’importance de l’ambition de la rénovation : des rénovations multigestes plus efficaces mais trop peu nombreuses

Les rénovations constituées d’un geste de rénovation sont celles qui ont permis les plus grandes économies de gaz à effet de serre. Mais ce constat est lié à un effet volume puisque les rénovations constituées d’un geste sont très majoritaires. Si on s’intéresse à l’effet valeur, soit les économies de gaz à effet serre moyennes par nombre de gestes de rénovation, les conclusions sont tout autres.

En effet, plus les gestes sont nombreux, plus les économies de gaz à effet de serre sont importantes. Ainsi, en moyenne, une rénovation de 5 gestes ou plus permettrait de diminuer de quasiment 6 fois plus les émissions de gaz à effet de serre par rapport à une rénovation d’un geste. L’étude explique cette tendance par le fait que plus les gestes sont nombreux, plus cela impliquerait un changement de système de chauffage. En d’autres termes, plus les rénovations sont ambitieuses plus les économies de gaz à effet de serre le seront. Par conséquent, pour accélérer le chemin vers la neutralité carbone du secteur résidentiel, il est nécessaire de renforcer les incitations déjà existantes aux rénovations globales (plusieurs gestes de rénovation), qui aujourd’hui sont minoritaires.

Economies de gaz effet de serre et typologie de logements et d’occupants

Autre enseignement des résultats de l’enquête TREMI, certains logements concentreraient davantage les baisses d’émissions de gaz à effet de serre. Ainsi, les logements construits avant la première réglementation thermique de 1974, représenteraient les trois quarts des baisses des émissions de gaz à effet de serre liées aux travaux de rénovation énergétique en 2019. Autre enseignement, les réductions des émissions de gaz à effet de serre sont croissantes en fonction de la taille des logements. Les logements de plus de 100 m2 sont ceux qui en valeur et en volume permettent de réduire le plus les émissions de gaz à effet de serre. Côté statut d’occupation, « seuls 240 000 locataires effectuent des travaux de rénovation, tandis que 2 millions de propriétaires en conduisent. » Par conséquent, les propriétaires occupants concentrent l’essentiel de la très grande majorité des économies de gaz à effet de serre associées.

Quel avenir pour les aides à la rénovation énergétique ?

Le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, Christophe Béchu, a récemment ouvert la porte à une réforme de MaPrimeRénov’ pour y inclure une dimension carbone plus importante[3] pour que les rénovations énergétiques quittent le seul prisme de la réduction de la consommation énergétique . Cette tendance est en réalité déjà à l’œuvre avec le bonus MaPrimeRénov’ accordé depuis avril dernier aux systèmes de chauffage renouvelable ainsi que la suppression à venir de la prime pour les systèmes de chauffage THPE gaz. Bien que cette évolution de la prime se justifie pleinement d’un point de vue environnemental, elle ne doit pas impliquer pour autant la réduction du soutien aux travaux d’isolation dont les aides sont en diminution avec la baisse des primes CEE. Le risque avec cette approche est de concentrer les aides sur les changements de systèmes de chauffage qui représenteraient à l’aune de l’étude TREMI, deux-tiers des économies de gaz à effet de serre. Or, la rénovation de l’enveloppe est un préalable à l’installation d’un nouveau système de chauffage. Par conséquent, la meilleure prise en compte des économies de Co2 des rénovations énergétiques doit plutôt passer par une incitation à la réalisation de plusieurs gestes de rénovation énergétique notamment pour allier des rénovations globales. Renforcer les bonus « sortie de passoire thermique » et « rénovation globale » de MaPrimeRénov’ constitueraient à une perspective intéressante tant sur le plan des économies d’énergie que sur celles des économies de carbone. Cette évolution interrogerait également celle du dispositif des CEE, dont un rapport de l’ADEME a évalué l’introduction d’une composante carbone au sein du dispositif.