L’épargne salariale bientôt au service de la rénovation énergétique ?

Cette semaine, Effy décrypte un sujet rarement associé à la rénovation énergétique : l’épargne salariale. Alors qu’il existe aujourd’hui une dizaine de cas de déblocage anticipé – principalement pour des motifs familiaux, sociaux ou liés à des travaux lourds – la transition énergétique est la grande oubliée. Ou plutôt était. Un projet de loi sur le point d’être adopté au Parlement propose d’élargir les cas de déblocage anticipé.

Un levier de financement puissant

Avec un encours de 180 milliards d’euros, l’épargne salariale a atteint en juin dernier un niveau d’encours historique1. Au 30 juin 2023, on comptait ainsi plus de 12,3 millions de porteurs d’un compte en épargne salariale, pour un montant moyen de 14 600€. Un encours moyen qui permettrait de couvrir le reste à charge moyen d’un projet de travaux de rénovation énergétique, qui s’établit à 6 085€ d’après les récentes données de l’ONRE2. Car malgré l’augmentation à venir des aides MaPrimeRénov’ en 2024, « le financement du reste à charge continue de se heurter à leur capacité d’endettement » souligne le think tank I4CE dans sa dernière étude3.

Le changement de braquet du Gouvernement sur l’épargne salariale

Lors de l’examen du 3ème projet de loi de finances rectificative pour 2020, le Sénat avait adopté la possibilité de débloquer exceptionnellement jusqu’à 8 000€ sur son épargne salariale pour financer des travaux de rénovation énergétique. Un amendement qui avait reçu l’avis défavorable du Gouvernement, soulevant les « difficultés » d’un tel déblocage. En ligne de mire, la difficulté à « vérifier que le montant d’épargne salariale débloqué a bien servi à la réalisation de travaux ». Cette possibilité sera finalement retoquée en commission mixte paritaire. 

Trois ans plus tard, le Gouvernement semble avoir revu sa copie en la matière. Lors de l’examen en juin dernier à l’Assemblée du projet de loi portant transposition de l’accord national interprofessionnel relatif au partage de la valeur au sein de l’entreprise, le sujet de l’épargne salariale s’est de nouveau immiscé sur le devant de la scène. Un nouvel article 14 bis a été introduit avec l’avis favorable du Gouvernement pour élargir les motifs de déblocage existants. Il prévoit notamment la possibilité de débloquer son PEE pour financer « certaines des dépenses liées à la transition énergétique » qui devront être précisées à l’article R. 3324-22 du Code du travail.

L’épargne salariale au service de l’autoconsommation solaire résidentielle ?

Justement, dans une réponse à une question écrite, le ministère de l’Economie et de Finances est venu préciser les dépenses qui seront demain éligibles.  

Ce motif de déblocage couvrira les dépenses, en matière de rénovation énergétique des logements, de production d'électricité [comme l'installation de panneaux photovoltaïques], ou de chaleur, ainsi que les travaux et dépenses éligibles au dispositif MaPrimeRenov' - Ministère de l'Economie et des finances4

Cette inclusion des panneaux photovoltaïques serait un signal fort pour renforcer les incitations à l’autoconsommation comme préconisé par le SGPE. Qui plus est dans un contexte où les installations d’autoconsommation (avec vente en surplus) ne sont éligibles qu’à la prime à l’investissement, dont le montant doit d'ailleurs être revu à la baisse dans les prochains jours.

D’ici là, il sera essentiel de rétablir en commission mixte paritaire cet article 14 bis du projet de loi partage de la valeur. En effet, le nouvel article a été injustement supprimé lors de l’examen du texte au Sénat, au motif que l’inscription dans la loi ne serait « ni nécessaire, ni souhaitable » considérant que les cas de déblocage relèvent du décret en Conseil d’Etat. Une position rigide ignorant tout le symbole d’inscrire au rang législatif la transition énergétique comme motif de déblocage anticipé. Une CMP est d’ores et déjà convoquée le 30 octobre prochain.






[1] Enquête semestrielle S1 2023, Association Française de la gestion financière, 16 octobre 2023.
[2] Les rénovations énergétiques aidées par MaPrimeRénov’ entre 2020 et 2022, ONRE, octobre 2023. 
[3] La transition est-elle accessible à tous les ménages ?, I4CE, octobre 2023.
[4] Réponse à la question écrite n°4069, Assemblée nationale, publiée au JO le 01/08/2023. 

Victor Breheret

Chargé des Affaires Publiques chez Effy

Chaque semaine je décrypte à chaud l'activité législative au Parlement, les évolutions réglementaires d'aujourd'hui et de demain mais aussi les tendances politiques autour de la rénovation énergétique et l'autoconsommation solaire résidentielle.